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va faire certes figure digne de si illustre compagnie, et, à côté des nouveaux commandants d’armée, demeurent, — pour ne nous en tenir qu’à ceux qui vont être engagés dans la grande bataille d’été, — un Debeney, un Humbert, un Gouraud dont nous verrons se confirmer le caractère et s’affirmer les qualités au cours de cette grande partie. Sous eux, c’est la magnifique légion des jeunes commandants de corps et de division, dont quelques-uns étaient chefs de bataillon, à peine colonels en 1914 rompus à la nouvelle guerre, passionnés par elle, l’ayant pénétrée, s’en étant pénétrés, ils sont dignes de conduire, sous les grands chefs que j’ai dits, les bataillons maintenant entraînés. Car, enfin, sous ces jeunes divisionnaires encore, c’est la masse de l’armée qui décidera. Sans eux, que vaudrait son admirable vaillance ? Mais, dans les mains d’un commandement rajeuni et par là magnifiquement fortifié, cette vertu du soldat de la grande guerre donnera tout son effet, des officiers forgés ou trempés par ces quatre ans de combats à ces modestes soldats qui, chacun dans sa sphère, représentent une valeur incomparable, instrument souple et résistant que, de haut, Foch, un Pétain et leurs lieutenants vont soudain enfoncer dans le flanc de l’ennemi aux lieu et moment utiles et dont ils feront l’outil de la Victoire.

Les dernières leçons n’ont point été perdues. Il n’est point paradoxal de dire que nos défaites ont été précieuses : du fait qu’elles n’avaient pu nous abattre, elles nous fortifiaient ; un 21 mars a été pour l’État-major britannique un sujet de réflexions utiles et de nécessaires réformes, — et tout autant pour notre État-major, un 27 mai. Les deux événements ont fait éclater le faible de chaque armée. Si l’on ne s’entête pas dans les erreurs qui nous ont menés au bord de l’abime, si, avec sang-froid et résolution, on les recherche et on les corrige, la victoire sortira de la faute même. C’est à l’étude de nos infériorités, c’est à celle des supériorités allemandes, que, sans vain orgueil, les États-majors s’appliquaient. J’ai vu l’un des plus illustres s’acharner à cette étude ; le Grand quartier-général de Provins enregistrait nos échecs et, patiemment, les interrogeait pour leur arracher le secret de la revanche. Par là, il obéissait à l’esprit d’un Pétain, le moins systématique des chefs, celui qui, sans faiblesse ni complaisance, a toujours su regarder en face une fortune adverse et y discerner ce qui