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être considérées comme des signes précurseurs d’une attaque de grande envergure. » Le 13 juillet, un autre commandant de division, en ligne dans la région de Longpont, signalait à ses officiers « qu’à l’occasion d’une grosse attaque ennemie, des forces ayant réussi à percer pourraient apparaître à l’arrière. » Le Commandement allemand avait, avant le 15 juillet, pris quelques mesures : la VIIe armée (von Boehn) qui tenait le front de Soissons à Château-Thierry étant destinée à porter son effort sur le front d’attaque de la Marne, une autre armée, la IXe (von Eben) venue de Russie, s’était intercalée entre l’armée von Hutier et l’armée von Boehn dans la région de l’Oise à l’Ourcq, et cela à deux fins : car la mesure pouvait être d’intention offensive comme de précaution défensive. L’organisation de ce nouveau commandement, la mise à sa disposition de moyens largement calculés, la nécessité escomptée de la manœuvre de la Marne qui devait attirer les réserves françaises sur ce terrain, enlevaient toute préoccupation à Ludendorff pour le développement de son offensive du 15. Huit divisions avaient été groupées entre la région de l’Oise et l’Ourcq. Mais dès le 16, le commandement allemand avait dû, devant la résistance française et l’anéantissement de ses divisions sur le front Gouraud, puiser dans les forces accumulées au Nord de l’Ourcq. Il ne restait bientôt plus que 9 divisions en face de Mangin. Chose curieuse, l’ennemi se rassurait, loin de s’alarmer, car il tenait pour certain que nous aussi épuisions à notre effort de résistance les divisions destinées, une semaine avant, à l’offensive Mangin : « Déjà, lit-on dans l’ordre d’un des lieutenants de von Eben, le général von Winckler, déjà les Français retirent de notre front des troupes de valeur. » Et persuadé que l’attaque de flanc était, de ce fait, absolument impossible, l’ennemi diminuait de ce côté ses forces et ses moyens : dans la nuit du 16 au 17, dans le seul secteur d’une division, il avait retiré cinq batteries. S’il avait attendu Mangin au Nord de l’Ourcq, à coup sûr, il ne l’attendait plus, — et encore moins une contre-offensive au Sud de l’Ourcq. Il comptait sans le sang-froid, la volonté et l’esprit manœuvrier de Foch ; il allait être aussi surpris que s’il ne s’était jamais prémuni contre le coup depuis tant de jours préparé.

Mangin avait tout fait d’ailleurs pour que la surprise jouât en notre faveur le rôle qu’elle avait trop souvent depuis trois