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cours du change entre deux pays, c’est-à-dire le prix de la monnaie de l’un exprimé en monnaie de l’autre, est la résultante de la combinaison de ces deux ordres de grandeurs ; il dépend de la dette de l’un vis-à-vis de l’autre, et de la nature de la monnaie de chacun d’eux. Plus un pays sera endetté vis-à-vis d’un autre, et plus sera grande la quantité de monnaie de ce pays dont il aura besoin ; si sa propre monnaie est identique, il l’emploiera à solder sa dette. Lorsqu’il l’aura employée toute à ce but, il devra arrêter ses achats, à moins qu’il ne trouve du crédit auprès de son vendeur. En ce cas, il ne fera que reculer l’échéance et il sera forcé, à un moment donné, de mettre un terme à ses importations, qu’il ne sera plus en mesure d’acquitter d’aucune manière. Avant d’en arriver à cette extrémité, le pays débiteur passe par la phase au cours de laquelle, étant démuni de numéraire ou ne voulant pas se dessaisir de celui qu’il détient, il crée du papier monnaie en quantités croissantes. Ce papier, n’inspirant plus la même confiance au public, s’échange contre des quantités de plus en plus faibles de métal ou d’autres marchandises, c’est-à-dire que l’unité monétaire se déprécie. C’est ainsi que le franc, qui valait en août 1914 un vingt-cinquième de livre sterling, n’en vaut plus que le trente-sixième en octobre 1919.

Il n’est pas besoin d’insister sur cette vérité qu’il est désavantageux pour un pays de voir la valeur de sa monnaie se déprécier par rapport à celle des monnaies étrangères. La hausse de celle-ci équivaut à un relèvement du prix des objets importés et affaiblit d’autant le capital national, dont le stock monétaire est une partie intégrante. Supposons que la tonne de houille n’ait pas varié de cours à Cardiff entre 1914 et 1919, et qu’elle y ait valu et vaille encore 1 livre sterling. La hausse du change, survenue au cours des cinq années, fait que nous payons aujourd’hui 36 francs ce qui ne nous coûtait que 25 francs avant la guerre. L’acheteur anglais au contraire, dans l’hypothèse envisagée de la stabilité du prix, débourse la même somme aujourd’hui qu’en 1914. Si le prix, en Angleterre, a monté de 1 livre à 2, c’est-à-dire a doublé, ce doublement équivaut au triplement pour l’acheteur français, qui, pour envoyer 2 livres sterling à Cardiff, déboursera aujourd’hui 72 francs, c’est-à-dire presque exactement trois fois ce qu’il payait pour la même tonne de houille, en 1914.