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d’abandonner Pétrograde avant l’hiver et avant la famine. Mais ils auront un grand retentissement : les bolchevistes chasses de Pétrograde demeureront encore maîtres de Moscou, mais des maîtres, affaiblis, privés d’une partie de leur domaine et coupés de l’Europe occidentale. Le jour inévitable où la malheureuse Russie sera libérée de leur domination, ce sera par l’action concertée de ces chefs militaires, auxquels les Albiés ont donné un appui si discret et si limité, et dont les progrès doivent continuer de retenir toute notre attention.


Le roi d’Espagne a été quelques jours notre hôte. Son voyage n’avait pas de caractère officiel, mais il n’a pas manqué d’éveiller l’intérêt et la sympathie. Alphonse XIII que Paris a souvent fêlé a laissé des souvenirs qui ne se sont pas effacés. Il a été chaleureusement accueilli dès son premier séjour parmi nous comme le représentant d’une grande nation qui est notre voisine et notre amie et à laquelle nous sommes unis par beaucoup de traditions et d’intérêts. Mais il a tout de suite ajouté à ces sentiments qui allaient au souverain ceux qui s’adressaient à sa personne. Par sa jeunesse, sa spontanéité, son caractère chevaleresque et généreux, il a conquis tout de suite tous les suffrages et il les a gardés. Toutes les fois qu’il a reparu dans notre pays, il a été reçu avec un élan particulier et il a été environné d’une popularité qui lui demeure fidèle.

Depuis que le roi Alphonse XIII n’a pas franchi la frontière française, des années ont passé et la guerre a ravagé le monde. Mais le souverain a su dans cette grande période de l’histoire acquérir des titres nouveaux à la gratitude et au respect de nos concitoyens. Il a trouvé le moyen le plus délicat de nous témoigner ses sentiments. Il a pris sous sa protection personne le nos soldats tombés aux mains de l’ennemi. Grâce à son initiative et à ses soins continus, un bureau de recherches a fonctionné à Madrid pendant toute la guerre. Combien de femmes angoissées s’y sont adressées durant ces cinq années, et combien en ont reçu des apaisements et des consolations ! Le nombre des soldats français dont le roi d’Espagne a pu faire connaître le sort s’est élevé à plus de cent mille. Tout ce qui pouvait diminuer l’horreur de la guerre semblait au souverain être de son domaine. C’est ainsi qu’il est intervenu partout où il y avait du bien à faire, protestant contre les camps de concentration, contre les vols des colis de vivres, contre les bombardements des villes ouvertes, contre le torpillage des navires hôpitaux, employant son autorité à faire rapatrier les prisonniers civils, les malades, les grands blessés.