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des hommes appartenant à la génération qui est arrivée à la maturité et dont la culture et le savoir sont un gage, M. Marc Sangnier qui a mis au service d’un véritable apostolat une généreuse éloquence, M. de Lasteyrie, dont la science financière a été si souvent utile au pays au cours de la guerre, M. Maurice Colrat, orateur mordant et chaleureux qui a la connaissance de la politique et des grands problèmes économiques, M. Gaston Deschamps, que les lecteurs de cette Revue connaissent bien et qui continuera la tâche utile de ceux qui ont à la Chambre bien représenté et bien servi l’Université. Enfin, et c’est un fait digne d’être noté, les électeurs ont voulu, au moment où tant de questions touchant le travail seront examinées, envoyer à la Chambre des hommes versés dans la connaissance des entreprises modernes, ayant l’habitude des responsabilités et des décisions, pourvus d’une large expérience, de grands industriels comme MM. de Wendel, des Présidents de Chambre de Commerce comme M. Artaud élu à Marseille, comme M. Auguste Isaac, élu à Lyon, qui a consacré sa vie à la plus féconde activité, qui a été le défenseur éloquent des intérêts nationaux et des libertés religieuses et qui joint à l’autorité que donne le savoir celle que confère le libéralisme élevé du caractère. Ce n’est pas les compétences qui manqueront à la nouvelle Chambre, si elle veut les écouter, et nous ne comptons pas toutes celles qu’elle nous révélera. Les nouveaux venus, choisis par le suffrage universel, auront sans doute à faire quelque effort pour instituer des méthodes nouvelles de travail, et pour chasser, s’il en reste encore sous la voûte du Palais Bourbon, des coutumes par où se discréditait le régime parlementaire : mais c’est précisément la mission que leurs concitoyens leur ont confiée.

La Chambre nouvelle a devant elle une œuvre immense et très difficile C’est en raison même de ces difficultés qu’elle a été élue. Toutes les fois que dans notre histoire politique est survenue une période particulièrement malaisée, le pays a fait appel aux hommes raisonnables, même quand il avait précédemment négligé leurs services C’est un rôle à la fois plein d’honneur et plein de péril. Après 1870, les électeurs ont nommé l’Assemblée nationale ; après le boulangisme, ils ont confié le gouvernement aux modérés ; après les excès du radicalisme et devant les signes annonciateurs des complications internationales, ils ont approuvé la politique d’apaisement de M. Briand et la politique d’union de M. Raymond Poincaré. Aujourd’hui qu’il y a toute une France à rénover et à reconstruire, ils donnent leurs suffrages à une Chambre sérieuse et mesurée. La déception qu’ils