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de soixante-cinq ans. Aussi qu’arrive-t-il en fait ? C’est que, pour motif de santé, beaucoup de professeurs âgés cessent leur cours, dont la charge retombe sur un maître de conférences. Mais celui-ci n’a pas le traitement ni la libre disposition des instruments de travail (laboratoire, crédits, main-d’œuvre) qui correspondent à cet enseignement. Il est parfois promu professeur adjoint, sans augmentation de traitement. A la Sorbonne, tel maître réputé fait depuis une dizaine d’années un cours professoral dans ces conditions de suppléance précaire. Conçoit-on pour des hommes de talent, quadragénaires ou quinquagénaires, un régime plus décourageant ? Au reste, admettez que les vieux professeurs continuent à faire leur cours : que deviennent alors les ateliers et les crédits qui leur sont si jalousement réservés ? Que devient la rechercha scientifique ? Elle est encore et toujours sacrifiée.

Il serait aisé, cependant, d’établir un état transitoire, adapté aux forces des septuagénaires, qui concilie les prérogatives des vieux savants, les intérêts des jeunes maîtres, le soin des étudiants et les exigences du travail et de la production scientifiques. A une limite d’âge moins tardive, soixante-trois ou soixante-cinq ans « comme dans les hôpitaux de Paris, où les médecins fournissent cependant une tâche moins absorbante que celle des professeurs de l’Université), on mettrait en demi-retraite les professeurs titulaires, en leur maintenant pendant une dizaine d’années encore le droit de présence et de vote aux conseils de l’Université, un atelier de recherches et leur traitement. Ils poursuivraient sans fatigue excessive et sans souci pécuniaire leur œuvre d’investigations, et laisseraient aux maîtres plus jeunes leur chaire, c’est-à-dire la lourde charge de l’enseignement et l’emploi des grands moyens de travail.

Les meilleures têtes scientifiques préconisent une réforme de ce genre. Elles ont de hautes ambitions pour l’Université. Et elles distinguent la misère présente de ce pays, qui ne peut compenser la perte de ses jeunes hommes et d’une grande part de ses ressources que par l’emploi intensif des talents qui lui restent et par le développement des moyens de puissance et de prospérité que procure la recherche scientifique. Quand donc les chefs responsables le comprendront-ils ?

Trop longtemps, jusqu’au relèvement des traitements