Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas à ceux qui ne se font pas lire, une fière consolation. Mais il est vrai d’affirmer avec Boileau que la durée du succès d’un livre est une garantie de sa valeur ; il ne se soutiendrait pas, au-dessus de toutes les différences des humeurs individuelles et à travers toutes les révolutions du goût des nations, s’il n’avait pas en lui de quoi satisfaire à ce qui, dans le cœur et l’esprit de l’homme, ne change pas.


Quelques personnes pourront tirer des réflexions qui précèdent la conclusion que l’histoire littéraire est une science bien inutile, puisque après tout rien ne vaut la naïve réaction du premier venu qui lit pour se divertir. Mais elles auraient tort. Il est bien vrai que les travaux de l’érudition contemporaine ont donné raison au public qui sent par impression, contre les critiques qui jugeaient par doctrine. Mais là même, sans parler de leurs autres usages, est la justification de l’histoire littéraire et de ses méthodes méticuleuses.

La recherche des sources et des influences subies, où les esprits peu avertis ne voient qu’une occupation de pédants orgueilleux d’un stérile savoir, ou malignement appliqués à diminuer le génie qui les offusque, cette recherche des sources, conduite pendant tout le XIXe siècle, et plus active, plus méthodique, depuis 30 ou 40 ans, est le meilleur moyen que l’on ait trouvé de reconnaître, de définir, d’évaluer l’originalité créatrice, sa qualité, sa puissance. Les matériaux d’une œuvre de génie ne sont pas le génie. Mais, en faisant l’inventaire de ces matériaux, on arrive à isoler par analyse un élément irréductible, où consisteront la nouveauté et la personnalité de l’œuvre. Le public sentait que les Méditations apportaient quelque chose de jamais entendu : mais quoi ? Qu’était-ce qui n’avait jamais été entendu ? C’est ce que le simple lecteur était incapable de préciser.

Tous ceux qui ont signalé quelque réminiscence des littératures anciennes ou modernes, quelque trace apparente, ou à peine visible, des lectures de Lamartine, quelque emploi d’un lieu commun ou d’un poncif du XVIII8 siècle ou de l’Empire, nous ont donné le moyen de voir que la nouveauté de Lamartine était moins dans la matière ; ni même dans la forme, que dans l’esprit, le souffle, l’intensité. On ne diminue pas