Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de six mois, ne dira l’avoir vu ; personne ne parlera plus de lui ; jamais, à la Commune qui, jusqu’à présent, s’est occupée, presque journellement, des prisonniers du Temple, jamais plus son nom ne sera prononcé. La comptabilité elle-même se tait à son sujet ; sa sœur et sa tante ne l’entendront plus chanter et rire ; seulement la jeune princesse notera plus tard : « Le 19 de janvier, nous entendîmes un grand bruit chez mon frère, ce qui nous fit conjecturer qu’il s’en allait du Temple, et nous en fûmes convaincues quand, regardant par un trou de notre abat-jour, nous vîmes emporter beaucoup de paquets. Les jours d’après, nous entendîmes ouvrir sa porte et, toujours persuadées qu’il était parti, nous crûmes qu’on avait mis en bas quelque prisonnier allemand ou étranger, et nous l’avions baptisé Melchisédec pour lui donner un nom. » Il y avait encore un enfant au deuxième étage de la Tour : un enfant singulièrement silencieux et tranquille, ainsi qu’on le voit par cet extrait du Journal de Madame Royale ; mais était-ce le Dauphin ? était-ce un enfant qui lui avait été substitué ? C’est là une question que contribuent mal à élucider les rares circonstances connues du radical changement apporté en ces jours-là aux consignes et aux règlements du Temple.

On remarque cependant que, le soir du 19 janvier, contrairement à l’usage très régulièrement établi, aucun commissaire ne fut désigné par le Conseil général pour venir au Temple relever de leur garde de vingt-quatre heures Legrand, Lasnier, Cochefer et Lorinet. Ils la doublèrent donc et restèrent jusqu’au lendemain soir. Le 1er pluviôse seulement arrivèrent leurs quatre remplaçants : Minier, Menessier, Mouret et Michée, qui furent eux-mêmes relevés, le jour suivant, 2 pluviôse, par Mercier, Marcel ; Warmé et Bigot. Or, la présence de ces deux derniers a de quoi surprendre : d’abord parce que leurs noms coupent de façon insolite l’ordre alphabétique habituellement suivi pour la désignation des commissaires du Temple ; en outre, parce que ni Warmé ni Bigot ne figurent sur les diverses listes des membres de la Commune[1]. Se représente-t-on

  1. Ni dans les listes, si complètes, données par Braesch, des membres de la Commune du 10 août, ni dans celle de l’Almanach national de 1793, non plus que celle de 1794, ni dans la liste, fautive sur certains points, mais précieuse en ce qu’elle indique les remplaçants, publiée par Lebas dans son Dictionnaire pittoresque de la France. Le Moniteur signale Warmé comme « membre de la Commune » en mars 1794 et guillotiné avec Robespierre. La Liste générale et très exacte… des conspirateurs… la mentionne ainsi : — » Jacques-Louis-Frédéric Wouarmé (est-ce la véritable orthographe du nom ? ), — 29 ans, ex-commis aux domaines, puis employé à la Commission du Commerce et approvisionnements. » En mai 1793, Warmé (sic) signe comme président de la nation ; du Théâtre français : c’était la section de Chaumette et de Simon. — On trouve à la Commune du 10 août un Bigaut Jean-Baptiste, et à celle de juillet 1793 un second Bigaud, différent du premier (Braesch, 247), mais il ne s’agit ici ni de l’un ni de l’autre : le pouvoir des Commissaires du Temple du 2 pluviôse désigne le nom de Bigot, (d’abord écrit Bigaut, puis surchargé, de façon à préciser : BIGOT. Ce Bigot, dont le prénom était Remy et que l’on reverra plus tard au Temple, a fini employé à la préfecture de police.