Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vides laissés par certains organes dans l’intérieur du corps, au moment de l’embaumement, en particulier par la cervelle dans la tête, étaient remplis d’autres papyrus enroulés. Il suffit aujourd’hui d’ouvrir les momies ou de dérouler les cartonnages pour rentrer en possession de documents si étrangement utilisés.

L’usage des cartonnages cessa avec l’époque ptolémaïque ; c’est ailleurs que dans les nécropoles que l’on retrouve les papyrus de la période romaine et de l’âge byzantin. Ils ne sortaient plus alors des monuments et des maisons où on les gardait soigneusement dans des caisses de bois ou dans des amphores d’argile, qui faisaient office de coffres. Lorsque les villes furent abandonnées, par suite de la misère des temps ou devant la menace des invasions arabes, les édifices s’écroulèrent, ensevelissant sous leurs ruines tous les souvenirs, qu’ils renfermaient. En interrogeant les monticules de sable qui ont recouvert les constructions, en fouillant même les tas d’ordures accumulées jadis aux abords des villages, on recueille les documents les plus divers, des édits d’empereur et des pièces notariées, aussi bien que des devoirs d’écoliers, des billets de faire-part ou des invitations à dîner. Nous avons là des sources d’information que nous voudrions bien posséder pour des siècles même assez voisins du nôtre.

Ce n’est pas tout encore : il est une autre sorte de manuscrits dont l’Egypte a presque aussi le monopole, ceux que nous ont conservés les ostraka. On entend par-là des tessons de poterie courante, particulièrement de vases à vin, où l’on traçait à l’encre quelques lignes : tablettes grossières mais économiques, usitées surtout pour des comptes, des quittances d’impôts, des reçus de prestations en nature. Ailleurs le procédé était pareillement employé ; mais les caractères ont généralement disparu, effacés par le temps : ces documents instructifs ne sont plus de nos jours que de vulgaires débris de pots sans intérêt. Dans la vallée du Nil, l’encre a résisté et a gardé parfois sa fraîcheur première.

Cette fois encore, parmi les richesses documentaires que nous apportent les papyrus et les ostraka, se rencontrent nombre de renseignements relatifs à l’armée du pays ; ajoutés à ceux qui nous viennent des auteurs ou des inscriptions, ils nous permettent d’entrer dans son histoire beaucoup plus à fond que dans celle des autres corps d’occupation de l’Empire