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ont commandés ; — les plans des paquebots du Ministre des transports devront être agréés par les Compagnies de navigation qui exploitent les lignes auxquelles ces navires sont destinés ; — les dépenses de construction de navires de charge ne pourront être engagées que si l’armement n’utilise pas les tôles d’acier mises à sa disposition. Enfin, l’article IV de la loi prévoit la cession aux Compagnies privées des navires construits ou achetés par le gouvernement français.

Ainsi, la Chambre, tout en se rendant compte de l’erreur fondamentale des propositions du gouvernement, n’a pas eu le courage d’aller jusqu’au bout, en les rejetant purement et simplement. Elle est restée l’esclave de la thèse étatiste ; les amendements qu’elle a apportés au projet en ont fait une loi difforme. Nous sommes convaincu que le ministère Millerand, pénétré des nécessités de la liberté commerciale, et écoutant la voix de l’opinion publique, ne soutiendra pas plus longtemps ce projet devant le Sénat où il se trouve échoué, triste épave de la guerre, n’ayant même pas le mérite d’être justifié par les circonstances au milieu desquelles il a été élaboré. S’il revenait un jour devant la nouvelle Chambre, celle-ci n’aurait pas la faiblesse, comme l’Assemblée qui l’a précédée, de celer sa véritable opinion. Nous aurons1 l’occasion de dire plus loin ce qu’il nous paraîtrait opportun de mettre à la place de ce projet de loi. Fût-il voté, qu’il ne serait même point exécutable, tout au moins dans les délais voulus. Il repose sur une capacité de production de nos chantiers privés évaluée, jusqu’au 1er juillet 1922, à 669 000 tonnes, en dehors des commandes déjà lancées, savoir 183 000 tonnes par l’Etat et 417 000 par les armateurs. A raison de 35 journées environ en moyenne par tonne, en tenant compte des proportions relatives de paquebots et de cargos, on obtient un total de 4 450 000 journées pour achever les 1 269 000 tonnes envisagées plus haut, ce qui nécessiterait un effectif de 50 000 ouvriers. Il est douteux que nous puissions appliquer aux constructions neuves une main-d’œuvre aussi considérable, vu l’urgence des travaux de réparation qui s’imposent. Il semble bien, dans ces conditions, qu’il n’y ait point de place pour de nouvelles commandes avant dix-huit mois ou deux ans, et le gouvernement ne pourrait augmenter les siennes qu’au détriment de celles déjà faites par les armateurs, à moins de changer la répartition actuelle des commandes ;