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moment que le président Wilson exprime de nouveau ses idées ils sont dans la nécessité, même s’ils les discutent, d’en tenir compte. Pour des raisons à la fois politiques et économiques, aucune nation européenne ne peut se désintéresser de savoir ce que veut l’Amérique. Ce qui s’est passé à Londres a été significatif. Les Alliés qui travaillaient depuis plusieurs semaines à préciser le compromis relatif à l’Adriatique paraissaient sur le point d’aboutir, et ils espéraient que l’accord entre l’Italie et les Yougo-Slaves allait enfin devenir une réalité. A la vérité, la solution qui semblait sur le point de prévaloir n’était pas conforme aux idées du président Wilson : c’est ce qui explique son intervention. La note qu’il a rédigée et qu’a remise l’ambassadeur des États-Unis s’inspire de la politique qu’il a toujours soutenue. Le compromis de janvier qui servait de thème aux conversations des Alliés différait du mémorandum rédigé à Londres en décembre, lequel avait été réglé d’accord avec les États-Unis. En signalant il y a un mois l’état des négociations avec les Yougo-Slaves, nous avions fait remarquer qu’il fallait tenir compte de l’opinion de l’Amérique, opposée à l’application du traité de Londres, et que les affaires de l’Adriatique réservaient sans doute encore bien des surprises aux diplomates. Au premier moment, les Alliés surpris de la note du président Wilson ont eu la pensée de faire à une intervention un peu soudaine une réponse du même ton. Mais la presse anglaise a fait remarquer que la réplique au président Wilson aurait une grande influence sur les relations entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, et elle a réclamé que tous les termes en fussent bien pesés. L’idée que les rapports des États-Unis et de l’Europe, c’est-à-dire le sort de la Société dés Nations et du traité étaient en jeu, a produit une grande impression sur l’opinion publique. Les Alliés ont donc adressé au président Wilson une réponse rédigée en termes conciliants où ils expriment sans doute l’espoir que l’Amérique ne se désintéressera pas de la reconstruction ni de la paix du monde.

Ce qui peut troubler les Alliés, c’est qu’ils ignorent qu’elle est la volonté de l’Amérique et quelle est la signification exacte de la manifestation du Président. On s’est demandé si la note du Président n’était pas une manœuvre destinée à des fins de politique intérieure, et s’il ne cherchait pas une occasion de se désintéresser des affaires d’Europe, afin d’éviter la ratification du traité avec les réserves voulues par la majorité républicaine du Sénat. C’est chercher bien loin et en tous cas l’échappatoire imaginée par le président Wilson