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renaîtraient. Secundo : à notre arrivée, Georges serait, ou hors de danger, ou trop malade. Tertio : impossible de quitter Paris au moment où j’achève les deux dernières choses dues et où je vais me mettre aux Paysans : ce serait me perdre !

Ce sentiment de mon impuissance m’a confondu, j’ai fait retourner le cabriolet vers l’imprimerie de Pion, et j’ai marché comme le déserteur effrayé vers le drapeau. J’ai relu mes épreuves et comme je n’étais bon à rien, je suis allé voir Lirette. J’étais bien changé, car elle m’a demandé ce que j’avais pour être si triste ; et alors je lui ai appris la maladie de Georges.

La pauvre Lirette n’est plus que visitandine. Elle aurait voulu avoir son argent depuis longtemps. Elle n’en a aucun besoin ; elle le veut par esprit de religieuse, pour tout avoir, pour le donner à la maison. Je n’ai rien pu tirer d’elle, car (dans son intérêt bien entendu), j’ai voulu savoir si elle allait placer cela [en] son nom, le joindre à sa rente. Elle a été d’un mutisme effrayant. Elle le veut et sa figure est celle d’un usurier. Oh ! cher louloup, le [rôle] sublime de la religieuse n’éclate que dans les persécutions ; mais, dans la tranquillité de la vie, elle est d’un égoïsme de communauté qui m’a révolté.

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La fin de Splendeurs et misères des courtisanes est une belle chose, j’en suis coulent[1].

Quant au hachich, ce n’est pas [Théophile] Gautier qui m’a entraîné ; c’est moi-même. J’ai voulu surtout savoir ce que c’était que ce problème singulier. C’est une affaire de psychologie. [J’ai voulu faire] une étude sur moi-même de ce phénomène très extraordinaire et qui vaut la peine d’être examiné. Davy l’avait déjà fait ; mais c’est si étrange qu’on doit nier ces effets-là, tant qu’on ne les a pas ressentis.

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Oh ! comme j’épouse ta vie, tes angoisses. Tout cela m’est tombé dans le cœur, comme dans une vallée tombe une avalanche. J’ai tout compris, tout deviné, en un moment, et je suis si démonté que je l’écris, comme tu le vois, au lieu de

  1. Il s’agit ici d’Une instruction criminelle [Où mènent les mouvait chemins], Balzac ajouta encore, l’année suivante, un épilogue à ce dénouement de Splendeurs et misères des courtisanes : La dernière incarnation de Vautrin.