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enfants ! Non ! Rien que l’exigence farouche de cacher, à tout prix, la mort du prisonnier, jusqu’au moment où on pourra l’ébruiter sans danger.

Ce qu’on veut, c’est gagner quelques heures. Dans la nuit Lasne et Gomin s’adressent encore au Comité : « tout est dans la plus grande sécurité ; » mais une angoisse subsiste : que faire, le lendemain, à midi, quand le Commissaire civil qui doit remplacer Damont, se présentera au Temple ? Il faudra bien lui apprendre le décès de l’enfant : peut-être sera-t-il moins complaisant ou plus perspicace que Damont ? « Nous vous prions, écrivent les gardiens, de nous instruire de la conduite à tenir à l’égard de ce commissaire. » Le Comité répond : Le service doit se continuer « comme à l’ordinaire, jusqu’à ce qu’il en soit autrement délibéré, » car il n’a plus d’inquiétude quand le nouveau commissaire arrivera, on pourra lui montrer le cadavre : les mesures sont prises pour que, à ce moment, l’enfant mort soit méconnaissable.


En effet, le lendemain 9 juin, la matinée se passe au Temple sans que rien soit modifié au thème de la comédie commencée dès la veille ; mais, à onze heures et quart, Pelletan et Dumangin, accompagnés de leurs collègues Lassus et Jeanroy, se présentent pour procéder à l’autopsie. Lasne et Gomin les introduisent aussitôt dans la chambre mortuaire : avec eux y pénètrent Damont et aussi le porte-clefs Gourlet, le seul des employés de la Tour qui soit instruit du décès. Les médecins interrogent Lasne et Gomin : « Cet enfant est-il le fils de Louis Capet ? Est-ce celui qu’on leur a donné à garder ? » Tous deux répondent affirmativement. Damont questionné ensuite, affirme que c’est bien là l’enfant qu’il a vu la veille « malade et vivant » et qu’il le reconnaît pour l’avoir rencontré plusieurs fois jadis aux Tuileries, quand l’y amenait son service de garde-national., Gourlet atteste qu’il connaît le petit Capet « depuis son arrivée au Temple, » en août 1792. — « Ces interpellations faites, les officiers de santé ont procédé à leur opération. »

Vers cette même heure, à l’autre extrémité de Paris, la Convention vient d’entrer en séance et, tout de suite, paraît à la tribune, Achille Sevestre, représentant d’Ille-et-Vilaine, membre depuis deux mois du Comité de Sûreté générale. Il