Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dangereusement assurée aux livres étrangers qui, établis dans des conditions meilleures (abondance et proximité du charbon, du bois ou de la pâte de bois, entrée du papier en franchise, commodités plus grandes et prix plus favorables des transports), triomphent des nôtres sur notre propre marché. Alors que nos éditeurs paient de lourdes taxes sur toutes les matières indispensables à la fabrication de leurs livres, les éditeurs étrangers font entrer chez nous en franchise des collections d’auteurs français (par exemple la collection Nelson, la collection Gallia) qui, bénéficiant de tels avantages, submergent les nôtres, grevées de droits.

En 1917, le Congrès du Livre, dont la Société des Gens de Lettres a pris l’initiative, a émis un vœu pour l’abolition rapide de cette bizarrerie incompréhensible et nuisible. Mais il ne semble pas qu’on ait fait, avec la volonté de réussir, l’effort obstiné, résolu, sans cesse repris, qu’il faut pour mettre en branle et tenir sous pression la machine parlementaire. Lorsque, dans une question aussi vitale, on veut aboutir, les promesses et les lettres ne suffisent pas. Elles ne sont que du papier et des mots. Il faut des actes.

Les fabricants nient, il est vrai, que les droits de douane sur l’importation du papier aient une influence appréciable sur la cherté des livres :

— Avant la guerre, disent-ils, tout juste 4 centimes par volume ordinaire, et 6 depuis l’adjonction des nouveaux droits ! C’est une charge insignifiante, si on la compare aux autres qui pèsent lourdement sur le livre français. Et elle offre pour tout le monde l’avantage que, à l’abri de cette légère protection, nous pouvons d’abord durer, ensuite améliorer et moderniser notre outillage, avoir le temps d’organiser nos usines, à l’aide de la houille blanche, pour des fabrications moins coûteuses. En outre, prenez bien garde que, si l’on condamnait à mort notre industrie par l’entrée du papier en franchise, la France deviendrait complètement tributaire de l’étranger, ce qui, dans le cas d’une nouvelle guerre, ne serait pas sans péril. Puis, ne sentez-vous pas que, le jour où nos usines ne marcheraient plus, maître du marché, il profiterait de notre improduction pour faire payer plus cher ses fournitures. Qu’on nous laisse plutôt perfectionner nos moyens ! « Déjà nous nous efforçons d’abaisser le prix de revient par