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spéculations de saint François de Sales et de Bérulle, de Saint-Cyran et de Petau, et de Pascal. Ferry, en son langage à la fois scolastique et ému, bâtissait dès le commencement de son livre la plate-forme où les théologiens pouvaient circuler de plain-pied[1].

Mais encore plus caractéristique était la suite.

Si, dans cette religion chrétienne, Ferry distinguait et préférait le christianisme réformé en raison « des abus et des erreurs » qui, touchant l’unique et vrai moyen de salut, s’étaient glissés dans l’Église du moyen âge, la façon dont il représentait la Réforme n’en était pas moins éminemment modeste. Qu’avait été, en fin de compte, selon lui, l’œuvre des Luther et des Calvin ? Simplement la réparation d’un « ancien bâtiment » que l’on dégage des corps de logis surajoutés ; le « nettoyage d’une inscription antique » où le temps a amassé la terre et la rouille. Formules érasmiennes, on le voit, impliquant que « ces erreurs et abus » n’étaient « ni en tel nombre ni en matière si considérable qu’ils n’eussent pu être excusés ou supportés, » concédant que le fonds du « bâtiment » encombré subsistait, et que la teneur essentielle au sens de l’« inscription » primitive n’avait pas été irrémédiablement altérée avant la Réforme.

Mais même dans la période qui avait suivi la Réforme, le bon Ferry ne se décidait point à prononcer que les catholiques eussent été damnés. Avec une bonne volonté touchante, il allait glanant partout les preuves de ce salut possible… Vous souvient-il que, « dès l’année 1541, l’empereur Charles V, » renouant à Ratisbonne la conférence de Worms, y avait fait présenter un livre : Le Sommaire de la doctrine chrétienne, dont un article excellent sur la justification de l’homme par une « foi vive et efficacieuse, » par « la seule justice du Christ, » avait passé sans débat, « et sans que le légat même du Pape y trouvât rien à redire ? » Oui, de cet article, appuie Ferry, les moines convinrent, et la diète de Spire, et les chanoines de Cologne… »

Vous souvient-il aussi qu’en 1543 Jean, cardinal de Lorraine et évêque de Metz, avait fait imprimer, dans un « agenda

  1. Catéchisme général de la Réformation de la religion, Genève, par Pierre Chouet, 1656, in-12 (Exemplaire de la Bibliothèque de la Société de l’Histoire du Protestantisme français), p. 1 à 3, 23 et passim.