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POUR LE SIXIÈME CENTENAIRE DE DANTE

DANTE ET MAHOMET

M. Miguel Asin Palacios, reçu le 26 juin 1919 à la Real Academia Española, lut à ses collègues un discours intitulé La Escatologia Musulmane, en la Divina Comedia, qui ne compte pas moins de trois cent cinquante-trois pages grand in-octavo[1]. Autant dire que ce discours est un livre considérable ; et il l’est dans tous les sens, car il nous expose clairement et sans longueur, simplement’ et sans effet oratoire, une des découvertes les plus curieuses de l’érudition contemporaine.

Pendant longtemps, la Divine Comédie fut considérée, selon l’expression d’Ozanam, comme un monument solitaire au milieu des déserts du Moyen Age. Le premier qui pensa trouver des modèles lointains de l’Enfer et du Paradis dans la vision du moine Alberic, l’abbé Cancellieri, souleva contre lui les admirateurs de l’Altissime poète, indignés à l’idée que Dante aurait pu imiter un obscur moine du XIIe siècle. Mais les travaux critiques de Labitte, d’Ozanam, de Graf, d’Ancona, finiront par persuader à ces dévots qu’un grand poète n’est point diminué pour avoir puisé chez ses prédécesseurs et qu’il y a une manière d’imiter qui vaut la création. Ils admirent donc que Dante avait eu des modèles chrétiens, comme il avait eu des modèles classiques. Aujourd’hui, M. Miguel Asin leur impose une nouvelle épreuve. A côté de ces sources poétiques reconnues de la Divine Comédie, il nous en découvre une

  1. D. Miguel Asin Palacios : La Escatologia Musulmana en la Divina Comedia, Imprenta Iberica, Pozas 12, Madrid.