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avec joie le pittoresque et les trouvailles amusantes. Mais ce n’est pas le cas, il s’en faut.

Or la forte discipline intellectuelle, qui seule pourrait réprimer ces négligences ; la culture approfondie, qui rétablirait l’équilibre entre les vertus traditionnelles et les nouveautés nécessaires ; l’étude du français dans ses sources classiques et dans ses bons auteurs, trop négligée dès avant la guerre, l’a été bien davantage depuis 1914. Nos jeunes gens ont eu d’autres préoccupations que celle d’apprendre patiemment le français. Toutes les curiosités, toutes les anxiétés tournées vers le front ; les pères absents, et l’indulgence infinie des mères ; les professeurs mobilisés ; un certain esprit dit pratique, qui pousse même les adolescents à la recherche du profit immédiat, plutôt qu’à l’acquisition des connaissances et à la formation de l’esprit : voilà qui n’améliore point un état déjà grave. Le baccalauréat d’après l’armistice a confirmé l’abaissement prévu du niveau de la culture, en même temps qu’il révélait chez une partie du public cette conception extraordinaire, qu’à des études manquées devait correspondre une indulgence générale. La juste sévérité des professeurs a répliqué par une hécatombe de candidats : c’est une indication précieuse, et nous allons y revenir bientôt. Mais il est certain que les résultats, qui n’étaient pas consolants en juillet 1917, ont été affligeants en juillet et en octobre 1919. Les examinateurs ont été d’accord pour signaler la grande faiblesse de l’épreuve de français. Ils ont constaté, outre un manque notoire de raisonnement, et une incapacité logique plus frappante encore que certaines ignorances, toutes les variétés des fautes possibles, à foison.

Il faudrait une enquête sur les résultats des derniers examens de l’enseignement primaire dans toute la France, indispensable pour connaître l’état moyen de la langue. Au moins avons-nous quelques pages d’une très substantielle étude sur la psychologie des enfants pendant la guerre, qui résume les réponses apportées par un grand nombre d’instituteurs à un questionnaire précis, d’après leur observation directe. Les enfants se sont hâtés, bien entendu, de parler comme les grands : l’occasion était trop belle. Ils ont adapté les termes nouveaux à leur petit monde : ainsi dans les jeux des filles, Guillaume a remplacé le diable ; un tricheur est