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ÉVOCATION


Voici l’abrupte falaise
Et l’océan végétal :
Le sapin et le mélèze
Dévalent de val en val.
Entre deux rochers, comme un pont sublime,
Une arche massive enjambe l’abîme.

Monarques des hauts plateaux,
Les dolmens aux profils rudes
Dominent ces solitudes
Où ne chantent point d’oiseaux.
Arbres verticaux, pierres verticales,
Lancent vers les cieux leurs cimes égales.

Regardant de leurs yeux froids,
Sous de glauques arabesques,
Des visages gigantesques
Apparaissent par endroits.
Dans du jour obscur, parmi les bruyères,
Près du Hagelschloss dansent des sorcières.

Le lichen revêt le sol
D’une lèpre monotone,
Et voici la belladone,
Et la cerise du fol.
Maléfique, un gros champignon s’étale,
Tandis que rougeoie une digitale.

Hou ! hou ! hou ! J’entends lèvent
Qui traverse les feuillages,
Comme un soupir d’oliphant
Venu du fond des vieux âges.
Et magiquement, par les vallons creux,
Me semblent tinter les armes des preux :