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Notre flotte de commerce ne va pas tarder à recouvrer le tonnage qu’elle avait avant la guerre, soit 2 300 000 tonnes environ. Il est vrai qu’il faut, de ces 2 300 000 tonnes, défalquer 700 000 ou 800 000 tonnes représentées par des navires qu’immobilisent des réparations urgentes et essentielles, malheureusement poursuivies avec une déplorable lenteur. Il est vrai aussi que, pour satisfaire nos besoins actuels, ce n’est pas 2 300 000 tonnes qu’il nous faudrait, mais 4 000 000, au bas mot. Quoi qu’il en soit, nous pouvons compter que notre marine marchande possède en ce moment 500 000 ou 600 000 tonnes, soit de bâtiments neufs, soit de bâtiments anciens, refondus. Supposez les uns et les autres pourvus de moteurs Diesel : ce serait, par an, des millions de tonnes de charbon que l’on ne serait plus obligé de demander aux mines.

Et ce serait là un grand bienfait, on va le voir.


Ne parlons pas des grèves ni des « vagues de paresse, » ni des inextricables complications qui résultent de l’application aussi prématurée qu’imprudente de la loi de huit heures. Ne nous occupons que des exigences normales, naturelles, pour ainsi dire, de l’emploi du combustible solide. Que voyons-nous ?

L’extraction de la houille exige une main-d’œuvre considérable, des centaines de mille d’ouvriers ; les puits et galeries demandent des installations compliquées, des boisages très onéreux[1]. Une fois le charbon sur le carreau de la mine, il faut le trier[2], le laver, fabriquer souvent des briquettes, et tout cela exige beaucoup de monde. Vient ensuite le transport : chargement sur péniches ou wagons, déchargement, mise en tas, puis encore chargement des « tenders. » Enfin l’utilisation proprement dite, la chauffe et l’alimentation continue du foyer, le nettoyage des grilles, ce qui revient souvent et constitue une opération pénible. Et nous ne disons rien de l’entretien de ces délicats organismes, — dangereux, parfois, — que sont les

  1. Boisages fournis en général par les pays du Nord, — la Norvège surtout. Pendant la guerre, les sous-marins allemands faisaient constamment la chasse aux voiliers ou vapeurs charges de bois de Norvège pour les mines anglaises. La production, même à cette époque de travail « intensif, » en fut souvent paralysée.
  2. Le défaut de triage du charbon sur le carreau de la mine est souvent invoqué par nos compagnies pour justifier les irrégularités de la marche des trains.