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faire autant au centre et au Sud-Est de l’Europe ? Non, sans doute. Observons toutefois que, comme corollaire de négociations bien connues avec un des pays du « proche Orient » les plus riches en pétrole, l’amirauté anglaise a organisé et entretient sur le Danube une nombreuse flottille de canonnières et monitors fluviaux.

Après nos pénibles aventures dans la Mer Noire, son escadre de la Méditerranée a pris la place que nous venions d’abandonner, tandis que, depuis deux ans déjà, une escadrille « de fortune » composée de petits vapeurs russes réquisitionnés et armés par l’Angleterre, dominait la Caspienne, de sorte qu’à la fois Batoum et Bakou sont entre les mains de nos anciens alliés : Bakou, le chef-lieu du district pétrolifère de l’Apchéron, dans le Schirwan, au Sud du Caucase ; Batoum, qui est, avec Poti, le port d’embarquement des pétroles et mazouts sur la Mer Noire.

Les troupes anglaises occupent d’ailleurs la partie orientale et le Sud de la Mésopotamie, en liaison avec les éléments qui tiennent en respect ceux des Persans que ne satisfait pas le récent traité de Téhéran. Or, le pétrole abonde de deux côtés de la chaîne du Louristan, le Poushti-kouh, dont le pied marque la frontière entre la Perse et la Turquie. Des nappes bien reconnues et en partie exploitées se trouvent à Kcrhouk, Touz-Schourmati, Kerki, Mendeli.

Nous ne savons pas encore, officiellement, quel sort réservent à cette vaste région les Puissances qui constituaient l’Entente et que ne réunit plus « la Conférence de la paix, » brusquement close sans avoir terminé son œuvre[1]. Bien moins encore savons-nous quel accueil ferait à une décision qui l’amputerait de ce côté-là, comme de plusieurs autres, une Turquie à laquelle on a laissé le temps de se reconnaître et qui ne semble plus disposée à tout subir. Et puis, il y a, à l’horizon du Nord, pour la Perse, le Caucase, le Turkestan, le formidable orage bolchéviste qui se forme, qui grandit et s’élève… Qu’adviendra-t-il du tout cela ? Il y a quelques jours, on ne parlait, à Londres, que de renforcer les contingents d’occupation de ces trop vastes contrées. Au moment où j’écris ceci, on en serait plutôt, pour des raisons financières, au complet abandon de ces

  1. Il est bien entendu que la Conférence de la paix se survit sous les espèces de la « Conférence des ambassadeurs ». Ce n’est cependant pas la même chose. D’ailleurs il faut compter avec l’abstention des États-Unis.