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nous ne nous sommes pas découragés, et que nous avons avancé encore, et puis que nous fûmes subitement frappés d’un destin qui n’était pas devant nous, mais derrière nous » (allusion à Caporetto).

Le lyrisme mis à part, il est de fait que la défection de la Russie, libérant les troupes austro-hongroises jusqu’alors employées contre elle, en a fait reporter contre l’Italie tout ce qui n’a pas été consacré, soit à occuper la Roumanie, soit à renforcer les fronts de Macédoine et d’Albanie, désormais seuls contre-poids au front italien. Il n’est donc pas exagéré de dire que l’Italie a supporté dorénavant le gros de l’effort militaire dont l’Autriche-Hongrie a été capable, ou qu’elle s’est, par rapport à celle-ci, substituée à la Russie. Par rapport à l’Autriche-Hongrie seulement, bien entendu. Car, par rapport à l’Allemagne, l’Italie ne s’est jamais substituée à la Russie, l’Allemagne n’ayant, après la défection russe, détaché qu’occasionnellement quelques divisions sur le front italien, pour l’offensive d’octobre-novembre 1917. Par rapport à l’Allemagne, c’est le front de France qui a suppléé au front russe. Il ne faut pas oublier non plus que, pour soutenir le surcroît de pression autrichienne dû à la défaillance de la Russie, le front italien a bénéficié, après Caporetto, d’un renfort franco-anglais sur lequel on reviendra tout à l’heure et qui s’est élevé, pendant un temps, jusqu’à 12 divisions.

Toujours est-il qu’il l’a soutenu, et c’est ici ce qu’il nous importe de relever. Il a pris sur lui une lourde part de l’héritage russe. Le seul fait de son existence a donc rendu aux Alliés, à nous entre autres, un service dont la valeur ne saurait être contestée. Il a à peu près complètement empêché l’état-major autrichien d’envoyer des troupes sur le front de France. Il a limité étroitement les disponibilités austro-hongroises pour le front de Macédoine, d’où est parti le signal de la victoire, par l’enfoncement du front bulgaro-germanique.

Enfin, et c’est le dernier service qu’il ait rendu à la cause commune, le front italien a été le théâtre de l’effondrement de l’Autriche-Hongrie. Cet effondrement a eu, si l’on peut dire, un prologue dans l’échec de la suprême offensive autrichienne en juin 1918, sur la Piave, et un dénouement dans le succès de l’offensive finale italienne en fin octobre de la même année, à Vittorio-Veneto. Prologue et dénouement sont