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l’exerceront, avec son appui et sous son contrôle, pour la pacification définitive de l’Europe et de l’Asie ottomanes.

Quant au bolchévisme, nous l’avons montré évoluant à l’extérieur vers une sorte d’impérialisme révolutionnaire et au-dedans vers le despotisme asiatique de quelques individus qui règnent par la terreur, avec l’aide de mercenaires étrangers, sur un immense peuple de paysans mécontents mais inorganisés et d’ouvriers réduits à un régime de travaux forcés. « La liberté du travail, a déclaré récemment Lénine, n’est possible que dans les sociétés bourgeoises. Le salut réside dans la militarisation du travail. » Au moment où les oligarques du bolchévisme cherchent à négocier la paix, nous les surprenons préparant la guerre par la concentration de l’autorité, l’intensification du travail, le recrutement de nouveaux soldats. Vis à vis d’eux, la plus grande défiance s’impose plus que jamais. Si l’état de paix s’établit, ce ne peut être une paix désarmée qui nous induirait à abandonner à leurs propres forces les États nouveaux dont la solidité encore précaire doit devenir notre meilleur rempart contre l’offensive de l’Asie.

Les dangers qui menacent l’Europe s’évanouiraient, — et même ils n’auraient jamais existé, — si une entente plus solide, plus alerte, plus soucieuse des intérêts généraux s’établissait entre les grands Alliés victorieux : Angleterre, Belgique, France, Italie, avec ou sans l’Amérique, pour mettre debout un système continental inébranlable et organiser l’Orient. Alors on verrait rapidement s’épuiser, se consumer sur place, la force de destruction et de mort du bolchévisme et se dessiner la physionomie d’une Russie nouvelle. Si au contraire les Alliés ne savent pas opposer la barrière infranchissable de leur union prévoyante et ordonnatrice à l’offensive de l’Asie pendant qu’elle n’est encore qu’une menace incertaine et inorganisée, alors peut-être verrons-nous, comme au temps des derniers empereurs romains, de Tchinguiz-Khan et de Timour, l’inépuisable réservoir d’hommes de l’Asie déborder à nouveau sur le vieux monde pour tout submerger.


RENE PINON