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Catherine de Sienne, Thérèse à l’Espagne, à l’Allemagne Gertrude, Brigitte à la Suède, à la France Jeanne d’Arc[1]..


Les juges de 1431 avaient condamné Jeanne en lui reprochant de s’obstiner à croire à ses voix ; la théologie catholique, antérieure et postérieure, lui faisait au contraire une obligation de conscience, de continuer à y croire. Les juges pontificaux de 1456 lavaient Jeanne des taches qu’on avait voulu jeter sur elle, et du grief qu’on lui avait fait de ses vertus mêmes, et de la présomption de « diabolisme » dont ses voix avaient été incriminées. Ils ne visaient encore qu’à démontrer une innocence, non à forger une auréole. — Mais disculper Jeanne de « diabolisme, » c’était faire rentrer Dieu dans sa vie : les décisions du vingtième siècle, qui exalteront sa sainteté, étaient en germe dans les conclusions juridiques de l’inquisiteur Bréhal.

« On croyait que c’était l’Esprit de Dieu qui la guidait, allait bientôt écrire saint Antonin de Florence : cela fut patent par suite de ses œuvres. » Et lorsque le pape Pie II, quelques années plus tard, dictera ses Commentaires à son secrétaire, il dira de cette « admirable et stupéfiante jeune fille » qu’elle était « insufflée par l’esprit divin, ainsi qu’en témoignent ses actes. »

Le jugement de 1456, cependant, n’avait dit que le premier mot. D’autres paroles restaient à prononcer, dont la plus solennelle ne devait être émise qu’en 1920. Par quel phénomène, unique dans l’histoire religieuse, la longue et patiente ferveur d’une ville, Orléans, concerta ces nouvelles étapes de la gloire de Jeanne, un prochain article l’apprendra.


GEORGES GOYAU.

  1. d’Hulst, Les apparitions libératrices, p. 17-18. Orléans, 1876.