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LE
TRÉSOR DES PHARAONS

Le premier jour de mon arrivée à Alexandrie, un fellah, vêtu d’un burnous de laine grossière comme en portent les plus pauvres paysans du Delta, se présenta aux guichets de la Banque où je me trouvais, et tira des pans de sa djellabah une liasse de deux mille livres de banknotes de la « National » qu’il tenait étroitement serrée sur sa poitrine brune. C’était la soulte d’une propriété dont il venait de se rendre acquéreur, et qu’il avait payée près de 200 000 francs, au change actuel. Cet homme, qui avait toutes les apparences d’un misérable, était en passe de devenir un riche propriétaire foncier. Un vieillard dont l’histoire curieuse mérite d’être contée lui succéda. Portefaix dans sa jeunesse, il avait promené sur sa tête des paniers de poissons à travers les rues de son village. Puis, avec de maigres épargnes, il s’était rendu maître, dans la province de Charkieh, de quelques feddans de terre, dont les revenus lui avaient servi à en acheter sans cesse de nouveaux. Il était ainsi devenu possesseur d’une immense fortune territoriale, qu’il gérait avec les procédés les plus modernes, alliés avec les habitudes culturales les plus anciennes du monde. De son central téléphonique, dont les fils le reliaient jusqu’aux parties les plus extrêmes de ses domaines, notre pacha, presque aveugle, communiquait avec ses nazirs, ses garçons de ferme, ses magasiniers ou ses mécaniciens, et il se tenait en relations constantes avec l’armée des serviteurs qui cultivaient ses champs de coton ou de bersim (trèfle d’Egypte). Il s’informait, dès son lever, des plus petits détails, de la gérance de ses fermes, de la