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Ainsi le régime thyroïdien avait eu pour effet de transformer un animal aquatique en un autre tout différent et amphibie, c’est-à-dire capable de vivre hors de l’eau. Cette extraordinaire transformation peut, comme on l’a constaté, se faire même sur l’animal adulte.

M. Edmond Périer a rappelé à ce propos qu’une métamorphose du même genre avait été naguère constatée au Jardin des Plantes par suite d’un accident. Dans la ménagerie des reptiles et des aquariums, il y avait alors de nombreux axolotls. Un jour le gardien partit en vacance en oubliant de recommander de maintenir dans l’eau une réserve de ces animaux qu’il avait constituée hors de la vue du public. Lorsqu’il revint, l’eau avait à peu près séché, mais au lieu d’axolotls il trouva des amblystomes. Le récit de ce prodige, que l’auteur tint d’ailleurs caché aussi longtemps qu’il put, pour ne pas dévoiler sa négligence, fut fait à l’Académie des Sciences par le professeur Duménil qui attendit d’ailleurs vainement, depuis, le renouvellement de cette extraordinaire métamorphose. Pourtant, celle-ci a pu être renouvelée plus tard par le professeur Léon Vaillant, et aussi par Marie von Chauvin en Allemagne et E. G. Boulenger en Angleterre, en forçant l’axolotl à respirer à l’air, soit en le conservant dans la mousse humide, soit en diminuant progressive-mont la couche d’eau dans laquelle il vivait, jusqu’à n’en laisser qu’une très faible épaisseur à sa disposition.

Ce qu’il y a de remarquable c’est que le régime thyroïdien a produit le même résultat que la respiration forcée. Rappelons-nous à ce propos que l’extrait thyroïdien active, comme nous l’avons vu, les échanges respiratoires.

Mais ce qui est curieux, c’est que la durée de l’extraordinaire métamorphose n’est, sous l’influence du régime thyroïdien, que d’environ trois semaines, donc beaucoup plus courte que dans les expériences antérieures de respiration forcée, puisque la métamorphose a exigé douze à seize semaines dans les expériences de Boulenger, sept à quarante semaines 1ans les expériences de Marie von Chauvin.

D’autre part, dans les expériences de Huxley le stade critique de la métamorphose a été atteint sans que les animaux respirent à l’air, ce qui est fort remarquable. Ce n’est en effet que le 19 décembre que les deux animaux expérimentés par lui vinrent respirer à la surface.

De tout cela se dégagent dès maintenant des conséquences fort suggestives. Nous sortons, certes ici du terrain solide des réalités pour entrer dans le domaine un peu nébuleux des extrapolations,