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comment finit la guerre.

tous comprirent bientôt la situation ; pour la première fois depuis la bataille de la Marne, les soldats français voyaient l’ennemi céder devant eux ; leur entrain activait leur marche, malgré les difficultés du ravitaillement. En revanche, l’artillerie, obligée de traverser la double zone des tranchées bouleversées par plusieurs mois de travaux et par le tir incessant des deux artilleries, mit quelque lenteur à se déplacer. La résistance de l’ennemi fut au début insignifiante ; elle ne consista d’ailleurs qu’en un mince rideau d’infanterie à très faible effectif.

Le 19 mars, le repli allemand s’étendait au front entre l’Oise et l’Aisne. Mais cette fois, les Français s’y attendaient et la poursuite commença aussitôt et très vigoureusement. Sur une ligne préparée pour limiter le recul et permettre d’organiser à loisir la position Hindenburg, les Allemands furent bousculés et l’achèvement de leurs travaux, gêné par des tirs d’artillerie, leur coûta des pertes sensibles.

Le repli allemand avait été longuement médité et préparé. Il ne laissait au groupe d’armées d’Espérey qu’un butin insignifiant. La zone évacuée avait été systématiquement dévastée. Que toutes les voies de communication fussent détruites, on ne peut s’en étonner, c’était de bonne guerre ; la destruction des lieux habités pouvant servir d’abri aux troupes peut s’admettre à proximité de la ligne de feu, quoique cette pratique pousse bien loin les rigueurs de la guerre. Mais consacrer une grande quantité d’explosifs à faire sauter des ruines imposantes, et une main-d’œuvre considérable à raser tous les arbres fruitiers, c’est le fait d’une sauvagerie perfectionnée. Il est essentiel de remarquer que d’importants moyens de destruction étaient ainsi détournés du but militaire : en faisant sauter des parties de routes plus étendues et en abattant un plus grand nombre des arbres plantés sur leur parcours, les Allemands eussent gêné davantage la progression des troupes françaises et leur ravitaillement. Mais ce n’était pas seulement aux armées alliées que les Allemands faisaient la guerre, c’était au peuple de France, atteint dans son passé comme dans son avenir, dans toutes ses richesses artistiques, industrielles et agricoles.

Le nouveau front allemand passait en avant et près de Lens, Saint-Quentin, La Fère, Vailly. La nouvelle ligne, dite « Hindenburg, » appuyée à droite à la falaise de Vimy, à gauche au Chemin des Dames, s’étendait en ligne presque droite sur de