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par le ministre ; le général Nivelle savait en outre qu’un officier supérieur était chargé au cabinet du ministre d’ouvrir un dossier contre le projet d’offensive, et s’en inquiétait. Toutefois, aucun des généraux interrogés n’était d’avis de renoncer à l’offensive : ils ne croyaient pas qu’elle pût amener toutes les conséquences prévues par leur chef, mais ils ne prenaient pas la responsabilité de conseiller son arrêt. Leur avis se bornait donc à une critique absolument stérile. Par ailleurs, M. Painlevé consultait le 24 mars sir Douglas Haig et de nombreux officiers anglais : sans s’embarrasser des détails d’exécution, leur avis unanime était de « frapper vite, à toute volée, un grand coup sur l’ennemi, » et il acquérait la certitude qu’au début d’avril, après la révolution russe et l’entrée des États-Unis dans la guerre, le gouvernement et le haut commande- dément anglais étaient résolument partisans de la grande offensive.

Il semble que le ministre de la guerre aurait pu en rester là. Mais le 3 avril une réunion eut lieu sur sa demande au ministère de la guerre entre M. Ribot, président du conseil, le ministre de la guerre, le ministre de la marine amiral Lacaze, le ministre des armements M. Albert Thomas, le ministre des colonies M. Maginot et le général Nivelle. Il s’agissait d’examiner si l’offensive, dont la date était fixée au 8 avril, devait avoir lieu dans la situation nouvelle que créaient le repli allemand, la révolution russe et l’entrée des États-Unis dans la guerre. Cette conférence, cinq jours avant la date fixée pour l’offensive, se comprend mal ; elle ne pouvait rien décider, sinon la réunion du Comité de guerre pour examiner la même question, c’est-à-dire de savoir s’il y avait lieu d’intervenir auprès de nos alliés britanniques pour modifier des projets arrêtés d’accord avec eux, et dont M. Painlevé venait d’acquérir la certitude qu’ils restaient résolument partisans. Harassé de questions sur la façon dont se déroulerait l’attaque, le général en chef affirma sa foi inébranlable dans une rupture rapide suivie immédiatement de l’exploitation prévue qui, en trois jours environ, menait le groupe d’armées Micheler sur la Serre à 30 kilomètres de sa ligne de départ. Au cours de la discussion, la nécessité de détruire les premières et deuxièmes lignes fut indiquée, ainsi que l’avantage d’attaquer par un temps favorable. Il fut décidé que « le général en chef attaquerait sur