Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
268
revue des deux mondes.

pays, il sent le prix du temps en hommes et en argent. Il a compris la guerre avec toutes ses nécessités, même les plus dures : il peut la diriger de haut parce qu’il sait commander aux spécialistes sans entrer dans le détail de leur technique.

M. Lloyd George emporta en Angleterre des promesses dont il prit acte, mais elles étaient entourées de telles réticences qu’il dut avoir peu d’illusions sur la durée de l’attaque « sans répit » dont le gouvernement français venait de prendre l’engagement.


L’offensive britannique battait son plein sur la Scarpe. Le 23 avril, elle s’était engagée sur un front de 25 kilomètres entre Lens et Croisilles avec les armées Horne et Allenby, remportant un beau succès. Le 3 mai, l’attaque reprenait sur 18 kilomètres de front et se poursuivait particulièrement vive vers Bullecourt.

En Champagne, la lutte continuait sur le massif de Moronvillers ; une violente contre-attaque allemande avait été repoussée le 23 avril et la 4e armée Anthoine avait enlevé le mont Cornillet. Le massif de Craonne fut enlevé le 4 mai, et le moulin de Laffaux le 5, avec tout un ensemble de positions que les contre-attaques allemandes ne parvinrent pas à reprendre ; c’était un beau succès, mais il eût fallu le compléter en allant jusqu’à l’Ailette, et la 10e armée restait péniblement accrochée sur la crête où elle subit pendant de longues semaines de fortes pertes dues à l’arrêt de l’offensive et non à l’offensive elle-même.

Quels étaient les résultats de cette offensive franco-britannique ? 52 000 prisonniers, 446 canons, 1 000 mitrailleuses ; les armées françaises avaient perdu du 16 au 25 avril 15 000 tués, 60 000 blessés, 20 500 disparus. Sur tout le front d’attaque, l’avance était suffisante pour obliger l’ennemi à reconstituer sa ligne de bataille sur 80 kilomètres de front ; des positions importantes étaient aux mains des Alliés : la crête de Vimy, le moulin de Laffaux, le fort de Condé, le Chemin des Dames, le massif de Moronvillers. Des voies ferrées d’un grand intérêt stratégique se trouvaient dégagées. Si on joint à ces avantages ceux de la retraite de mars, obtenus par la seule menace de l’attaque, on est obligé de constater que les premiers mois de l’année représentaient pour l’Entente un très précieux ensemble de succès.