Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions, — cette « jeunesse nouvelle » dont il aurait à dire sous peu, à propos des tombes ouvertes, la vertu magnifique. Toute imprégnée de cet idéalisme pratique qui l’induisait à rejeter l’individualisme pernicieux, cette jeunesse nouvelle se préparait à travailler à notre restauration par la remise en honneur des traditions, de la race. À la genèse de ce mouvement, M. Henry Bordeaux avait singulièrement travaillé. En pleine possession de son talent de romancier, il avait, dans la Maison, fait tenir avec une belle amplitude ce drame de la famille dont il nous avait, avec une pensée sans cesse élargie, fourni tant d’épisodes. Il faisait école : « Je ne suis pas médiocrement fier, avait-il le droit d’écrire en 1914, d’avoir contribué à substituer dans le roman le contlit des générations aux aventures individuelles. » Il ne se flattait pas : conscient de l’autorité qui résultait d’un magnifique labeur, il acceptait de guider après avoir si longtemps instruit. Il n’était guère douteux qu’il reçût, avant peu, avec un siège à l’Académie, la suprême consécration. La guerre allait retarder de quelques années ce couronnement de sa carrière : car si la guerre a fait donner des bâtons de maréchal, elle en a fait ajourner quelques-uns. Mais elle allait, en revanche, amener cet esprit à s’élargir et à s’élever encore.

La dernière conférence de Bordeaux au Foyer datait du 1er avril 1914. Elle était, elle aussi, intitulée La Maison. Elle se terminait par ces mots : « Ainsi la Maison ne durera que si elle s’appuie sur des murs vivants, sur des colonnes vivantes. » Il parlait de la maison familiale : c’était la maison nationale dont il allait, devant Verdun, voir les murs vivants, les colonnes vivantes. Et sous le coup de son émotion le romancier de la famille, devenu soldat, se fera, — avatar imprévu, — un des historiens de la défense nationale.


Il y a toujours eu du soldat chez cet homme de lettres fervent, — parce que, qu’il le voulût ou non, ce romancier à idées a toujours été un combattant. Pour quelle cause a-t-il combattu ? La cause de la famille. Or, qu’est-ce que la Famille à ses yeux ? Avant tout la cellule de la Nation. Il a toujours vu bien au delà du foyer et, en le défendant, toujours entendu servir cet « agrégat de foyers » qu’est la patrie fran-