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Marne avant qu’il eût pu élargir le front de rupture. Cette hardiesse aurait pu se justifier si l’état des armées allemandes leur avait permis d’engager immédiatement une guerre de mouvement, mais les blessés des offensives précédentes n’étaient pas encore guéris ; en outre la grippe diminuait les effectifs ; l’alimentation restait médiocre ; le nombre des déserteurs augmentait ; la discipline faiblissait ; le moral ne se soutenait que par la perspective d’une paix imminente. Certes, Ludendorff avait raison d’attaquer : il le dit nettement, ses troupes étaient hors d’état de garder la défensive en attendant leurs renforts et l’aménagement de son terrain au nord ; plus on est faible, plus on attaque. Mais encore fallait-il savoir garder la mesure et ne pas se placer, de gaité de cœur, dans un cul-de-sac qui pouvait se refermer.

Avant de dégarnir les Flandres des réserves françaises qu’il y avait rassemblées pour appuyer le front britannique, le général Foch avait attendu d’être certain que son ennemi s’engageait à fond dans sa nouvelle entreprise : jusqu’au 29 elle lui apparaissait comme une diversion, et il devait logiquement supposer que Ludendorff allait revenir rapidement au terrain de son attaque favorite. Le général Foch était avant tout le commandant en chef des armées alliées et, dominant l’ensemble de la situation, il osait résister au général Pétain qui, selon son devoir, lui réclamait ses divisions pour limiter l’échec français et défendre les routes de Paris menacé. Il libère les forces françaises du Nord seulement a mesure que la certitude de la faute allemande se fait plus évidente. Le 29, il s’est contenté de demander au roi des Belges d’étendre le front de son armée jusqu’à Ypres ; le 30 seulement, la 10e armée Maistre va s’établir dans la région de Villers-Cotterets et de Compiègne, et le maréchal Haig est prévenu que les réserves britanniques interviendront éventuellement dans la nouvelle bataille. Sur la Marne, la 2e division américaine du général Bundy, puis la 3e du général Dickmann firent un barrage efficace, complété à Château-Thierry par la division coloniale du général Marchand. En même temps, le 1er  corps de cavalerie du général Robillot venant des Flandres, et qui avait couvert 250 kilomètres en trois jours, s’établissait sur l’Ourcq et le ruisseau de la Savière. Les divisions françaises arrivaient et, dès qu’elles disposaient d’une artillerie suffisante, commençaient les contre-attaques. Les Français ne perdaient plus de terrain que pour le reprendre aussitôt.