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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




La situation intérieure continue à s’éclaircir. Le Sénat s’est mis, comme la Chambre, en devoir d’assainir nos finances par la création de nouvelles ressources, et la discussion qui s’est développée devant l’assemblée du Luxembourg a été digne de celle qui avait eu lieu au Palais Bourbon. MM. Paul Doumer, Raphaël-Georges Lévy, André Berthelot, Ribot, Perchot, ont, comme le ministre des Finances, démontré, tout à la fois, la nécessité et la grandeur de l’effort fiscal qui est demandé à la nation. L’Angleterre n’en a pas fait un plus considérable, a dit M. Raphaël-Georges Lévy, et il l’a prouvé. Si l’Allemagne en faisait un semblable, elle serait rapidement en mesure de s’acquitter envers nous, a dit M. Doumer, et il l’a prouvé. La France va payer environ 550 francs d’impôts par tête d’habitant. À ce taux, l’Allemagne obtiendrait une recette budgétaire annuelle de quarante milliards. Mais, comme l’avouait récemment un haut fonctionnaire du Reich, le directeur même de la statistique officielle, les impôts allemands sont très inférieurs à ceux de la Grande-Bretagne et, par conséquent, à ceux que nous allons nous-mêmes connaître. Cette position privilégiée n’empêche pas l’Allemagne de crier misère et de chercher à nous apitoyer. Peut-être est-il juste de réserver une part de notre commisération pour nos compatriotes. Dans son remarquable discours, qui a été accueilli par des applaudissements unanimes, M. François-Marsal a déclaré avec quelqueoptimisme : « Le contribuable paiera : il paiera même avec le sourire. » C’est beaucoup dire. Le Français est ainsi fait qu’il saigne et même qu’il meurt avec le sourire, et qu’il ne paie guère qu’en maugréant. Il maugréera, n’en doutez point. Mais comme néanmoins il paiera, la France sera sauvée.

En même temps que se poursuivait avec succès cette restauration de nos finances, il nous était donné d’assister au lamentable échec [1]

  1. Copyright by Raymond Poincaré, 1920.