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en artillerie était calculé en conséquence, — et sur des bases bien étroites, même dans cette hypothèse. L’artillerie lourde devait s’augmenter dans des proportions énormes, l’artillerie de tranchée se créer de toutes pièces. L’effectif des hommes mobilisés dans les usines s’éleva à 125 000, puis à 300 000 hommes ; en juillet 1917, il arriva jusqu’à 559 000 hommes et put ensuite être ramené à 487 000 hommes en 1918, sous l’empire de nécessités urgentes. Puis il fallut créer et alimenter l’armée d’Orient. Mais ces vides importants se comblèrent sans difficulté, grâce aux conseils de revision revoyant sans cesse les réformés et ajournés de toute espèce, et, à la fin de 1915, les armées comptaient 2 850 000 hommes (dont 100 000 en Orient).

Les pertes de l’année 1916, si elles avaient été mieux étudiées et mieux comprises, auraient sans doute empêché bien des erreurs de s’accréditer. La bataille défensive de Verdun (février-juin) nous coûte 156 000 tués, disparus ou prisonniers, et 263 000 évacués ; la bataille offensive de la Somme (juillet-octobre) nous coûte 65 000 tués, disparus ou prisonniers, et 130 000 évacués. Nos pertes pendant la défensive, en tués, prisonniers et évacués, étaient 90 000 hommes par mois ; pendant la double offensive, sur la Somme et à Verdun, où la situation s’était renversée, nous ne perdions au total que 70 000 hommes par mois. Enfin il s’est trouvé qu’à Verdun nous n’avons dépensé que 30 000 hommes pour reconquérir le terrain qui nous avait coûté 156 000 hommes à perdre. De quelque façon qu’on groupe ces chiffres, ils démontrent avec une éloquence impressionnante qu’on perd moins de monde pendant l’attaque que pendant la défense et que le terrain coûte plus cher à perdre qu’à gagner.

Qu’avions-nous pour combler ces vides : 300 000 tués ou prisonniers, 523 000 évacués ? La classe 1917 nous donnait 155 000 hommes, les ajournés des classes précédentes 120 000. Nous commencions enfin à utiliser le recrutement indigène de nos colonies tropicales, qui fournirent 120 000 hommes ; enfin l’action combinée des lois Dalbiez et Mourier allait, à l’intérieur et sur les arrières des armées, chercher tous les hommes en état de porter les armes, les remplaçant selon le cas par des auxiliaires, des femmes, des étrangers ou des coloniaux de toutes couleurs. — En outre, la récupération des évacués, blessés ou malades, faisait de grands progrès, aussi bien à l’intérieur que dans les armées, et son taux s’établissait à environ 88 pour 100