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Rhin et pénétré la Germanie d’Odin, ayant, au-delà des Alpes, délivré Rome des derniers barbares, la France se trouva sacrée, dès le VIIIe siècle, nation gardienne, nation libératrice, nation missionnaire ; comment, après de grands troubles qui suivirent la mort du grand Empereur, jaillit de la dissolution de son Empire cette féodalité, seul régime qui, la couronne impériale étant en déshérence, pût sauver la chrétienté de l’anarchie ; et comment, la période d’anarchie étant close, s’épanouit cette fleur incomparable du moyen âge qui eut sous saint Louis sa parfaite beauté ; comment, cependant, une dynastie, issue du cœur même des Gaules, de l’Ile de France, put, parce qu’elle était le prototype de la Nation, l’appeler peu à peu à elle, la refaire patiemment et fermement, reconstituer la douce France et la placer derechef si haut dans la Chrétienté ; comment, la chevalerie chrétienne se desséchant, la dynastie elle-même parut péricliter et la Nation s’abaisser, s’offrant ainsi en proie à l’Angleterre ; comment elle se releva à la voix de Jeanne, s’affranchit avec elle et, après elle, se restaura, achevant de s’unifier sous le génial Louis XI ; comment, ayant repris contact avec l’Italie, elle vit s’épanouir de nouveau la fleur de la latinité et, par ailleurs, se dresser devant elle la mission providentielle, la marche vers la barrière du Rhin à reconquérir ; comment, arrêtée un grand demi-siècle en ce nouvel élan par les guerres civiles envenimées de querelles religieuses, s’étant déchirée de ses mains et ayant paru courir au suicide, elle se rallia autour du restaurateur, ce Béarnais en qui elle trouvait son allègre bon sens et sa joyeuse vaillance ; comment, après de nouveaux troubles, elle accepta la discipline du grand Cardinal, puis, pénétrée à nouveau par l’ordre romain, la magnifique direction de Versailles ; comment, ayant connu au XIIIe siècle, avec un saint Louis, la perfection de l’âge chrétien, elle connut, sous un Louis le Grand, celle de l’âge classique et, par-là, comme au XIIIe siècle, exerça, au XVIIe, « la maîtrise des sentences ; » comment le ver se mit dans ce beau fruit, et comment la critique vint paralyser l’expansion ; comment, en proie aux révolutions, la France, pendant un siècle, passa des révolutionnaires à tendance classique aux révolutionnaires à tendance romantique, atteignit, avec un César issu de sa Révolution, comme elle autoritaire, el comme elle conquérant, une grandeur singulière pour s’acheminer, sous un César