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Nous avons l’impression que le peuple allemand tout entier organise une sorte de conspiration pour faire en ce moment le silence autour des chiffres de sa production, afin d’apitoyer l’étranger sur un sort beaucoup moins pénible dans la réalité que dans les descriptions qui en sont propagées à l’envi.

La population commence déjà à bénéficier d’une baisse de prix que l’on nous promet, en France depuis quelques semaines, mais qui ne s’est encore fait sentir chez nous sur aucun article de première nécessité. Un télégramme adressé le 21 mai 1920 à la Gazette de Francfort annonçait qu’à Hambourg, à la suite d’importations considérables, une véritable panique s’était déclarée chez les négociants en gros. Ceux-ci s’efforcent de vider leurs magasins à tout prix, en dépit des perles que leur infligent ces réalisations. Des trains se succèdent à Merlin, apportant des chargements de vivres. Les communes sont particulièrement atteintes par une baisse de 30 à 40 pour cent, qui déprécie dans cette proportion les stocks que les municipalités avaient accumulés. Les entrepôts regorgent de graisse, de margarine. Les légumes secs, le vin, le poisson ont baissé de moitié. Les boutiquiers qui, pendant la hausse, ne cessaient d’acheter, se retirent aujourd’hui du marché : leur abstention accélère la chute des cours. Voilà qui semble promettre aux Allemands des facilités de vie qui contrastent avec les embarras au milieu desquels se débattent d’autres populations européennes.

Lorsqu’on voit dans les journaux des négociants en tabacs remplir des pages entières d’annonces de vente de cigarettes, lorsqu’on voit offrir des broderies par dizaines de mille, lorsqu’on voit les courses de chevaux reprendre à Berlin et ailleurs, on est en droit de se demander si les plaintes qui retentissent dans la presse sur la misère du pays sont bien sincères. Il semble tout au moins que les Allemands ne soient pas plus mal partagés qu’aucun des autres peuples qui ont été entraînés dans la guerre et que leur situation, si elle n’est pas exempte des soucis qui sont aujourd’hui le lot d’une partie du monde, soit en voie de s’améliorer.


III. — LA PAIX QUE NOUS EUT DICTER L’ALLEMAGNE VICTORIEUSE

Pour juger équitablement la tâche qu’il est aujourd’hui légitime d’imposer à chaque nation, il convient d’élargir le