Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 58.djvu/325

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

relations s’établirent entra eux. Ce fut Vogüé qui écrivit l’éloquente conclusion du livre que, en collaboration avec deux autres « Romains, » le regretté Paul Fabre et M. André Pératé. Georges Goyau composait alors sur le Vatican, les Papes et la Civilisation¸ et qui contient peut-être quelques-unes de ses pages les moins connues et les plus belles. Plus d’une fois, en lisant cette Vue générale de l’histoire de la Papauté qu’il y a insérée. — « vue» un peu trop systématique peut-être, mais singulièrement originale et suggestive, — on ne peut s’empêcher de penser à la manière puissamment abréviative et impérieusement entraînante du Bossuet de l’Histoire universelle[1]. Georges Goyau n’a jamais choisi de médiocres modèles.

Il ne s’en tenait pas là. Sous le pseudonyme symbolique de Léon Grégoire, il avait publié, avant de quitter Rome, un livre qui, en même temps qu’un livre d’histoire, était un acte, et qui dut profondément réjouir le cœur de Léon XIII. Ce livre, intitulé le Pape, les Catholiques et la Question sociale, fut soumis à Brunetière, qui en admira la vigoureuse construction, la fougue intérieure, la forte et persuasive dialectique. Il connaissait son ancien élève. De son coup d’œil aigu et rapide, il vit le parti qu’on pouvait tirer d’un esprit déjà si riche, d’un talent déjà si mûr. Il lui fit des ouvertures. Vers le même temps, l’Université de Fribourg en Suisse proposait à Georges Goyau une chaire de langue et de littérature latines. Au fond, il n’avait qu’à moitié la vocation de l’enseignement; il avait bien plutôt celle de publiciste ; et, pour l’avenir des idées qui lui étaient chères, la retentissante tribune qu’on lui offrait était bien faite pour le tenter. Il accepta les ouvertures de Brunetière, qui était pressant, presque impérieux. Georges Goyau fut attaché à la Revue ; Brunetière l’envoya en Allemagne étudier la pensée sociale et l’histoire religieuse de nos voisins d’outre-Rhin. Il avait vingt-cinq ans. Plus que beaucoup d’autres à trente, il était armé de faits, de méthodes et d’idées. Sa vraie carrière commençait.

Elle s’est déroulée presque tout entière ici même. Plus de

  1. Rendant compte de ce livre dans une revue allemande, le baron de Hertling, le futur chancelier impérial, ne ménageait pas les éloges à l’auteur, mais il le trouvait trop… « démocrate ! »