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patrie. Les deux causes qui lui tenaient le plus au cœur, le catholicisme et la France, se trouvaient ainsi compromises par d’insidieuses campagnes et des menées ténébreuses qu’il s’agissait de dénoncer à l’opinion publique. L’historien de l’Allemagne religieuse n’hésita pas ; et sans quitter le terrain solide de la stricte histoire documentaire, il se mit courageusement à l’œuvre. Ainsi sont nés ces livres sur l’École d’aujourd’hui, sur l’Idée de patrie et l’humanitarisme, qui ont ouvert les yeux à tant d’honnêtes gens imprudents ou mal informés, et qui n’ont pas peu contribué, dans les années où se préparait la grande crise européenne, à assainir l’atmosphère morale. Si, entre 1910 et 1914, l’anticléricalisme a été un peu en baisse en France, si l’on y a parlé d’ « apaisement, » si, même dans les milieux primaires, l’inquiétude patriotique s’est fait jour, si, en un mot, « l’union sacrée » en face de l’éternel ennemi se préparait dans les consciences françaises, les livres de Georges Goyau y sont certainement pour quelque chose.


Il travaillait ainsi avec une activité infatigable, cherchant, pour sa modeste part, à réconcilier « l’Eglise et le siècle, » ensevelissant dans de nouveaux livres et de bonnes œuvres les grandes douleurs intimes qui ne lui avaient pas été épargnées, quand la guerre éclata. Quoique l’Allemagne, qu’il connaissait si bien, lui fût un sujet de préoccupation constante, je ne crois pas qu’il ait, plus que beaucoup d’autres, prévu l’atroce conflit. Il voyageait en Suisse, Il venait de passer plusieurs mois à Genève, enquêtant sur l’histoire de la « ville-Église, » expliquant dans certains milieux protestants qui lui avaient demandé des conférences les choses du catholicisme. Il s’empressa de repasser la frontière, reprenant à son compte la belle parole de Théophile Gautier en 1870 : « On bat maman, j’accours ! » Et n’étant pas soldat, il se mobilisa lui-même au poste où il pouvait être pratiquement le plus utile, dans ce service de santé, dont les douloureuses imperfections et les invraisemblables lacunes témoigneront devant l’histoire du coupable aveuglement de nos politiciens pacifistes, et qui, plus que tous les autres peut-être, avait besoin que le dévouement, la méthode, l’esprit d’organisation vinssent suppléer aux néfastes imprévoyances de l’avant-guerre.