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les journalistes s’écrient que le seul hiver 1919-1920 a valu, par ses rigueurs et ses privations, tous les hivers de guerre, s’ils parlent volontiers de catastrophe, nul doute que ce pessimisme ne soit en partie fondé. Comment un peuple diminué, sur lequel pèsent de si lourdes charges, songerait-il à l’ancien idéal de grandeur ? Tourner les yeux vers ce « paradis perdu » que fut, de 1870 à 1914, entre une éclatante victoire et l’espoir de nouveaux succès, l’Empire allemand, passe encore ! Mais que les rêves d’hégémonie soient d’aujourd’hui, voilà qui semble impossible, à tout le moins paradoxal.

Les Allemands eux-mêmes ne nous répètent-ils pas que ces ambitions sont définitivement périmées ? Ne font-ils pas montre d’un pacifisme sincère ? Le 10 avril 1919, un journal bavarois publiait un article sur le Peuple sans haine. Il disait ceci : « Jamais de poings furieusement contractés par la colère ; aucune amertume dans l’âme populaire ; jamais une sérieuse idée de revanche. Nous sommes le peuple sans haine et nous sortirons de la guerre avec les sentiments qui furent les nôtres pendant la guerre, c’est-à-dire sans hostilité personnelle contre nos ennemis. » L’appel lancé l’année dernière par la « Société allemande pour la Paix » à Berlin prête au pacifisme allemand toutes les apparences d’une grande force sociale. Il commence, sans doute, par demander la révision du traité de paix. Il ajoute toutefois : « Nous nous plaçons, sans arrière-pensée, sur le terrain de la Société des Nations et nous poursuivons une politique pacifiste parfaitement honnête. » L’Allemagne veut retrouver la confiance universelle. Et le manifeste se termine par une vigoureuse protestation contre les revanchards qui « excitent de sang-froid les passions nationales, cherchant à regagner leur ancienne situation. » La Ligue prétend faire de l’Idée pacifiste la note dominante de toute la politique allemande.

La politique de revanche n’a-t-elle pas été, d’ailleurs, officiellement condamnée à Weimar ? Le président Bauer, dans son discours-programme de juillet, ne déclarait-il pas la guerre à la réaction en disant : « Nous devons étouffer, avec la plus grande énergie, les cris de vengeance que poussent, depuis la signature du traité du paix, un certain nombre de gens qui ne connaissent pas de plus bel idéal que celui de l’ancien Empire regorgeant de force militaire et puissant par ses multiples