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discussion des conditions de paix, les indépendants ont naturellement témoigné à l’égard de l’ « impérialisme capitaliste » de l’Entente une hostilité plus violente que celle des majoritaires. Leur solution était toutefois bien différente. « Il faut, disaient-ils, signer sans hésitation. Pourquoi ? Parce que la signature immédiate de la paix ne tardera pas à provoquer la révolution universelle. Le traité de Versailles est tel qu’il ne peut qu’accélérer le mouvement. Le socialisme l’emportera à l’Est et à l’Ouest. Alors viendra la vraie paix. Il faut donc souscrire aux conditions de l’Entente, mais afin d’entreprendre sans tarder la lutte pour la révision du traité, en collaboration avec les masses populaires de tous les pays. Qu’importe, d’ailleurs, si le traité anéantit l’Allemagne capitaliste ? Ce qu’il nous faut, c’est la révolution universelle conduite par l’Allemagne qui donnerait ainsi l’exemple et mènerait la grande offensive socialiste. En amenant l’Allemagne à signer, nous la sauvons de la catastrophe et nous lui donnons un rôle directeur dans le monde. Car, si elle peut rapidement se reconstituer, elle deviendra la grande nation socialiste qui dirigera l’Internationale ouvrière. » Le but à poursuivre, à Lucerne comme ailleurs, sera donc de fonder la véritable Internationale, sans compromission avec les socialistes de droite, avec le programme intégral du socialisme révolutionnaire. Il importe que le socialisme allemand fasse l’union des forces révolutionnaires du monde entier.

Derrière les socialistes indépendants, il y a tout le mouvement « activiste, » la phalange de ces jeunes intellectuels qui veulent s’occuper de politique, favoriser en Allemagne le progrès et les réformes, travailler par-là au bien de l’Humanité. Ils ont, eux aussi, do3 ambitions universelles. Ils parlent volontiers d’une synthèse de Lénine, de Wilson et de Platon. Ils veulent la Société des Nations, la dictature du prolétariat et, à côté des Soviets-Conseils, la dictature des Intellectuels, rêve de la République platonicienne et forme raffinée du despotisme éclairé. Ils entendent refaire en ce sens l’éducation du peuple allemand, donner à la révolution ce qui lui manque et ce qui fut, au suprême degré, le privilège de la Révolution française : l’enthousiasme, la profondeur, un véritable programme philosophique et moral. Leur but serait donc de compléter la révolution universelle des indépendants par celle des