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Des imitatrices du pur amour de Glossinde pour le divin Epoux accoururent autour d’elle. Elle fonda un couvent qui, affilié, avec plus ou moins de précision, à l’Ordre de Saint-Benoît, participa du moins à la gloire dont la conquête bénédictine rayonna pendant plus de deux siècles dans l’Occident à nouveau christianisé. Trois translations du corps de la Sainte, accompagnées de nombreux miracles, entretinrent son culte. De nombreuses donations accrurent la richesse du monastère. Sanctae Glodesindis memoria celebris semper apud Mettenses, écrit encore à la fin du XVIIIe siècle la Gallia Christiana.

Toutefois, il n’avait pas duré longtemps, pas plus à Metz qu’ailleurs, le bel élan mystique d’où ce monastère était né. Dans quelle mesure et avec quelles réserves les compagnes de Glossinde et sa famille religieuse avaient-elles la volonté de s’unir à l’Ordre de Saint-Benoit et d’en adopter l’austère discipline ? Nous l’ignorons. Toujours est-il que le couvent fut un de ceux auxquels, dès le Xe siècle, il fallait que le saint évêque Adalbéron mit sa forte main. Mais c’est depuis le XVIe siècle que la décadence s’accentue, — comme du reste en un certain nombre d’autres maisons féminines. — C’est alors que l’abbesse Guillemette de Chauvirey concédait à ses nonnes fort peu cénobites la permission de vivre chacune chez elle et les dispensait même de prendre en commun des repas, dont il semble, par une convention signée d’elle et de ses pensionnaires, que le menu copieux, délicat et varié importait un peu trop[1]à des filles de l’austère saint Benoit. Sans aucun doute, les nobles personnes qui lui succédèrent, Françoise II de Foix de Caudale, Louise II de la Valette, Françoise II de Lenoncourt, laissèrent la règle se relâcher plus encore, jusqu’au jour où Louise II de Foix de Caudale, — celle à qui Bossuet eut affaire, — essaya de consommer la révolution commencée.

Elle entrait à Sainte-Glossinde, en 1654, en détrônant, après un procès, par autorité du Conseil d’Etat, une abbesse

  1. Le baron Emmanuel d’Huart a publié cette curieuse charte culinaire où sont énumérées avec une exigence méticuleuse et des précisions amusantes, par des négociatrices évidemment expertes, toutes les viandes, boissons, friandises, que l’Abbesse doit leur fournir, — quantités en poids, qualités, — depuis l’aloyau de bœuf, « honnête et suffisant, » du lundi, jusqu’aux dragées, beignets, tourtes des jours de fêtes, avec le pot de vin rouge ou la chopine de clairet s’ajoutant aux deux chopines de vin ordinaire, « mesure de Bar. »