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protestants, juifs, — dans la volonté de l’être. Sans doute à la fin du règne de Louis XIII, — et nul n’accusera nos historiens français de l’avoir lu, — il y avait encore à Metz un parti d’opposants, remuant, et que Bossuet put connaître… Mais d’opposants non pas à la domination française : — à la Royauté absolue ; — de partisans, non pas du retour de Metz au Saint Empire dont elle n’avait jamais été qu’un membre fort peu intime, mais du maintien, sous le Roi de France, comme jadis sous l’Empereur, des libertés municipales et des franchises des Messins.

Cette opposition, où survivait-elle principalement ? C’est la noblesse locale, qui là, comme presque partout en France, boude avec le plus de mauvaise humeur, regrettant ses paraiges d’autrefois, et ce syndicalisme féodal lequel faisait du pays messin (comme l’écrit un publiciste du temps de Richelieu, Hersent « un monde de petits souverains » divisés en « bandes » avec autant de rois que de villages. » C’est la noblesse qui ne voulait pas d’un « souverain effectif, » mais d’un suzerain nominal, « protecteur » indolent et paralytique, incapable et s’abstenant de toucher aux pouvoirs locaux oppresseurs.

La bourgeoisie, elle, venait de recevoir, dans ses prétentions à l’indépendance municipale, un coup rude, au moment précisément où le père de Bossuet conquérait de haute lutte pour son fils ce canonicat de la cathédrale : l’établissement du Parlement de Metz lui enlevait sa juridiction spéciale. Mais il lui en demeurait d’assez beaux restes pour la contenter : les bourgeois gardaient le gouvernement et l’administration de la ville, et cela, dans une réelle ampleur. Car non seulement le Maître-Echevin et les dix Echevins, choisis à la pluralité des voix entre les plus notables, jouissaient, « à l’instar » des magistrats municipaux parisiens, des honneurs, « autorités, prérogatives et prééminences dont jouissaient les Prévôts des Marchands. Echevins et Conseillers » dans la capitale du royaume ; — non seulement le Maître-Echevin de la Ville de Metz avait l’honneur de parler au Roi debout et non pas, comme ceux des autres villes françaises, à genoux ; — mais, de plus, l’Assemblée des Trois Ordres messins possédait le droit d’envoyer, de sa propre initiative et sans permission préalable, des députés et des « Cahiers » au Roi. Encore en 1657 et 1658 ces privilèges étaient garantis aux Messins par actes royaux[1].

  1. Voir par exemple l’Histoire de Metz par les Bénédictins, t. III, p. 235-246.