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en trouve un disant juste et dans un calme relatif, tout de suite on est bien disposé. Ce fut le cas pour M. de Rigoult, qui a joué avec mesure et sans recherche exagérée de l’effet, le rôle d’Oreste au cinquième acte d’Andromaque. La voix est belle, bien timbrée, profonde et souple, la diction nette. Nous aurons en M. de Rigoult un artiste sûr et qui pourra rendre de grands services. Mlle Courtal, qui avait joué avec beaucoup d’émotion et de goût une scène d’Andromaque : « Songe, songe Céphise… » nous a fait peut-être plus de plaisir encore en donnant la réplique à un de ses camarades dans le Cid. Elle a mis dans le « Va, je ne te hais point, » bien de la tendresse douloureuse. Les seconds prix décernés à ces deux concurrents ont été des plus mérités.

Le programme annonçait, en dernier lieu, que M. Siber, âgé de vingt et un ans et un mois, et ayant déjà concouru en 1919, nous dirait une scène du Saint-Genest de Rotrou. Et le choix de ce noble rôle, qu’on entend trop rarement, n’était pas sans nous agréer beaucoup. Cependant M. Siber se faisait attendre. La scène restait vide. Que se passait-il ? Enfin M. Siber parut… et joua une scène des Erynnies. Il y fut tout à fait remarquable. Il a de l’ardeur, de la fougue, une mimique expressive. Il est regrettable qu’il ne dise pas aussi bien qu’il joue, et ne fasse pas assez sentir la beauté du vers. Mais il est sûrement très bien doué ; de tous ceux que nous avons entendus au concours de tragédie, c’est lui qui nous a paru avoir la nature la plus originale.

Le concours de comédie et drame a mis en ligne trente-neuf concurrents : c’est un chiffre. Neuf seulement de ces messieurs ont choisi des scènes de Molière, et trois ont choisi la même scène de l’École des Femmes. Trois fois, nous avons vu Arnolphe se jeter aux pieds d’Agnès, prêt, pour lui plaire, à s’arracher tout un côté de cheveux. Trois fois, Agnès est restée insensible, et nous avons fait de même. Les raisons qui président au choix d’un morceau de concours sont d’ailleurs souvent mystérieuses. Par exemple, nous nous serions très bien passés d’entendre deux fois Chatterton, assis devant sa table et la tête parfaitement vide, invectiver la société parce qu’elle ne fait pas de rentes aux littérateurs débutants.

Puisqu’il s’agit d’un concours de comédie, allons tout de suite aux comiques. Ils ne sont pas nombreux. Aussi a-t-on fait fête à M. Marchand qui, dans le rôle de l’Intime, a déployé un mouvement, une verve, une variété de ressources et d’intonations qui ont mis la salle en joie Après lui, M. Marco a été un Sganarelle encore très