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depuis son départ de Tsarskoe Selo, à Ekaterinburg[1], dans l’Oural. L’ordre de départ fut mis à exécution, pour moitié, le 26 avril, jour où une partie des prisonniers quitta Tobolsk pour arriver à Ekaterinburg le 30 avril ; cette date a été gravée par l’Impératrice sur une fenêtre et marquée d’une croix, dans la chambre qu’elle occupait à Tobolsk.

Au moment où l’ordre de départ arriva à Tobolsk, le tsarévitch était sérieusement malade ; l’Impératrice se trouva placée dans la dure alternative, soit de partir avec l’Empereur, à qui on refusait tout délai, soit de rester avec son enfant malade : elle décida de rester avec le petit prince. Des quatre grandes duchesses, la troisième seulement, Marie Nicolaïevna, fut autorisée à accompagner son père. Outre l’Empereur et sa fille, le premier groupe comprenait le docteur Botkine, le prince Dolgo-oukoff, la jeune comtesse Hendrikoff, le valet de chambre Serdneff et la femme de chambre Demidova. La seconde partie des prisonniers arriva à Ekaterinburg le 10 mai : elle se composait de l’Impératrice, du tsarévitch, des trois autres grandes-duchesses, ainsi que de toutes les personnes qui étaient restées avec la famille impériale.

Ils furent tous placés dans la maison Epatieff et rigoureusement surveillés.

Il y eut, de prime abord, une garde de trente-six hommes pris dans les usines voisines de Ssycerdski et répartis ainsi qu’il suit : deux postes de garde à l’intérieur, cinq à l’extérieur ; en outre, deux mitrailleuses étaient braquées devant la maison. A la tête de cette première garde se trouvait le commissaire

  1. A Ekaterinburg, le prestige qu’exerçait le Tsar s’affirma avec une égale puissance, faisant de lui et de sa famille l’objet d’un véritable culte. Plus d’un garde qui le haïssait de prime abord dut être remplacé, plus tard parce qu’il s’était transformé en sujet dévoué. La dignité des prisonniers et leur piété qui tenait presque à l’exaltation religieuse et dont l’exercice remplissait une partie de leur vie, édifiait tout le monde à Ekaterinburg. Cette fois encore, les « Soviets » eurent peur d’un soulèvement en faveur des prisonniers : cela explique d’abord les duretés de leur emprisonnement, puis la hâte de la catastrophe finale.