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PASCAL ET LE « DISCOURS SUR LES PASSIONS DE L’AMOUR. »

un scribe inconnu s’est fait l’écho. » Nous n’avons donc aucune autorité extérieure digne de ce nom qui puisse nous garantir qu’en attribuant le Discours à Pascal, nous ne commettons pas une fausse attribution. Et jusqu’à plus ample informé, la seule attitude qu’on bonne critique nous ayons le droit de prendre est celle qui consiste à dire : « Je ne sais pas. » En la prenant, nous obéissons encore à Pascal, qui nous enseigne à « douter où il faut. »

En fait, à cette attitude, aucun critique, — suivant en cela mon déplorable exemple, — n’a pu se tenir.

Émile Faguet constate que toute investigation concernant la personnalité de l’auteur du Discours « se ramène ou à Pascal ou à quelqu’un qui aurait l’âme de Pascal, les sentiments ordinaires de Pascal, les idées ordinaires de Pascal et tout le talent de Pascal. » Et le fond de sa pensée est que ce quelqu’un, qui ressemble à Pascal comme un frère, ne peut être que Pascal lui-même.

M. Brunschvicg partage cet avis, mais il l’exprime avec plus d’ambiguïté. J’avais écrit : « Ni littérairement, ni même moralement, le Discours n’est assurément indigne de l’auteur des Pensées, voilà tout ce que l’on peut dire. » M. Brunschvicg s’empare de cette phrase, et il écrit à son tour : « Or, répondrons-nous, il suffit qu’on puisse dire cela pour que, — réserve faite d’une découverte future qui fournirait une preuve définitive dans un sens ou dans l’autre, — un écrit attribué par les manuscrits [il faudrait dire : l’une des deux copies] au seul Pascal, soit considéré comme une œuvre de Pascal. » Je ne suis pas très sûr de bien comprendre ; mais passons.

M. Lanson, serrant la question de plus près, mot en regard les uns des autres les passages des Pensées et les passages du Discours qui lui paraissent offrir entre eux quoique ressemblance, et qui sont, en effet, assez nombreux et frappants ; et il conclut avec raison que ces rencontres ne peuvent être fortuites, et que, « des lors, on est forcé de choisir entre trois hypothèses, les seules qui soient possibles : » ou bien le Discours est de Pascal ; — ou bien il est de quelqu’un que Pascal imite ; — ou bien il est de quelqu’un qui imite Pascal. Et il examine successivement ces trois hypothèses.

La dernière, celle qui ferait du Discours un pastiche ou une imitation involontaire, — et pour laquelle, M. Lanson l’a