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Retranchons de ce total formidable les 30 milliards qui représentaient notre dette d’avant-guerre, nous aurons, en calculant au pair, plus de 203 milliards de dettes nouvelles, contractées depuis six ans et naturellement employées à couvrir, jusqu’à due concurrence, les dépenses exceptionnelles qu’ont entraînées les hostilités. Du 1er août 1914 au 31 juillet 1920, nous avons dépensé 233 milliards 300 millions. Avant la guerre, les budgets avaient, en dix ans, passé de 3 milliards 565 millions à 5 milliards 191 millions. Si la même progression s’était simplement poursuivie, nous aurions dépensé, en six ans, du 1er août 1914 au 31 juillet 1920, 33 milliards au lieu de 233. Restent donc 200 milliards de dépenses supplémentaires, que nous a imposées l’agression de l’Allemagne et que le traité de Versailles ne nous permet pas de réclamer aux vaincus. Loin de moi la pensée de mettre dans cette constatation la moindre amertume. En adhérant aux quatorze points de la doctrine wilsonienne, l’Angleterre et la France se sont interdit d’imposer à l’Allemagne aucune indemnité pénale et même aucune indemnité correspondant aux frais de guerre proprement dits Cette renonciation à une réparation légitime n’a pas été sans une magnifique contrepartie, puisqu’elle nous a valu le concours sans réserve de l’Amérique et de son armée; et nous ne devons pas oublier qu’avant d’apporter cette grave restriction à nos espérances et à nos droits, le Président Wilson avait longtemps envisagé avec faveur une paix qui nous eût été singulièrement moins profitable et dans laquelle il n’y aurait eu ni vainqueurs ni vaincus. Mais enfin voilà deux cents milliards que nous avons dépensés en quatre ans par la faute de l’Allemagne et dont le poids va indéfiniment grever nos finances et alourdir notre activité. N’est-ce pas assez pour que nous soyons, du moins, fondés à exiger que les autres frais, mis par le traité à la charge de l’Allemagne, ceux des pensions militaires et ceux des réparations, nous soient intégralement remboursés?

Du haut de la tribune du Sénat, M. Paul Doumer a déclaré, au milieu des acclamations, que jamais le pays n’accepterait, dans cette question vitale, ni compromis, ni rabais arbitraires. Il n’a voulu prononcer aucun chiffre, bien qu’il connût, comme nombre d’initiés, ceux que l’on murmure, et qui ont été, sinon définitivement arrêtés, du moins sérieusement examinés à la conférence de Boulogne. Pressé de questions par MM. Doumer et Chéron, le ministre des Finances s’est borné à répondre que rien n’était signé et M. Millerand a, deux jours plus tard, confirmé cette assurance. Rien n’est