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que la guerre a ébranlé jusque dans ses fondements, et dans le tour d’horizon que les Chambres ont fait, sur les indications de M. Millerand, après la conférence de Spa, elles ont encore aperçu bien des décombres et bien des périls menaçants. Peut-être les nouvelles d’Orient sont-elles un peu moins mauvaises. Le Sultan s’est résigné à signer le traité de Sèvres; les troupes nationalistes qui avançaient, en Anatolie, vers les rives du Bosphore, ont été tenues en respect par l’armée grecque, qui est venue, d’autre part, occuper Andrinople.. Les Alliés vont avoir le temps de souiller; qu’ils n’en profitent pas pour s’endormir. Si grand que soit le génie politique de M. Venizelos et si vaillantes que soient ses divisions, nous ne pouvons imposer à la Grèce la tâche écrasante de maintenir seule l’ordre en Thrace et en Asie-Mineure. Comme ce n’est pas, d’ailleurs, la signature du Sultan qui ramènera la tranquillité en Arménie ou qui protégera la Perse contre la marée bolchevique, il est probable que le traité avec la Turquie nous ménagera plus de surprises encore que celui de Versailles. Que les Alliés se préparent à reprendre pour longtemps, là-bas comme en Europe, le rôle difficile de créateurs. Qu’ils n’oublient pas surtout que la première condition pour y réussir est d’apporter tous, avec la même bonne grâce, quelques tempéraments à leur égoïsme national. M. Lucien Hubert, rapporteur du budget des Affaires étrangères, et M. Ribot lui-même ont insisté sur les sacrifices auxquels la France a consenti dans le Levant, malgré la gloire et l’ancienneté de ses traditions. Elle est arrivée à la limite des concessions acceptables. Nous ne pouvons abandonner la Syrie, a déclaré M. Ribot aux applaudissements du Sénat ; et, comme M. Millerand, il s’est félicité de la loyauté parfaite avec laquelle M. Bonar Law s’expliquant, aux Communes, sur l’action du général Gouraud, a reconnu notre pleine liberté dans l’exercice de notre mandat. Il est seulement fâcheux qu’on ait tant tardé à réprimer les intrigues de l’émir Feyçal. A la différence des ballons, les personnages en baudruche demandent quelquefois plus de temps pour se dégonfler que pour se remplir de vent. Si le général Gouraud avait été autorisé à occuper la Bekaa, lorsqu’il le croyait nécessaire, nous n’aurions pas eu à entreprendre, ces jours derniers, des opérations de guerre et les populations qui nous ont appelés en Syrie n’auraient pas, pendant de longs mois, désespéré de notre protection. Mais l’Angleterre et nous, nous avions admis ce jeune Bédouin à la Conférence de la paix ; nous l’avions traité comme un grand prince musulman; et le jour où, enivré de notre