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d’armes, sa mère, ses frères, et, finalement, son roi. La douleur et peut-être le remords les agitent. Ils cherchent, pour elle et pour eux-mêmes, une justification : le premier acte de la béatification fut le « procès de réhabilitation. »

L’on ne dira jamais assez de quelle importance historique et morale fut ce procès. C’est à lui que nous devons de connaître toute l’humanité de Jeanne. Sans ses longues séances et les abondants témoignages qui y furent produits, nous n’aurions connu que les exploits de Jeanne et son martyre ; sa courte vie publique fût restée exposée à l’accusation, qui l’a suivie si cruellement jusqu’à nos jours, de n’avoir été qu’une fille des camps ou, tout au plus, un instrument aux mains des politiciens de son temps. Mais il a fallu, qu’alors que vivaient encore ceux qui l’avaient connue dans son village et dans les lieux où elle avait paru, à Domrémy, à Vaucouleurs, à Chinon, à Orléans, à Reims, que ceux-là même fussent interrogés et vinssent dire ce qu’avait été cette simple fille, d’intelligence si belle et si forte, de volonté si pure, d’action si profonde et si spontanée, que tous vinssent témoigner, devant le tribunal de l’avenir, que, dans ce corps et dans cette âme, il n’y avait nulle souillure. J’insiste sur ce fait que la lumière a été projetée à fond, non tant par le procès de condamnation que par le procès de réhabilitation. Il n’y a pas, dans toute l’histoire de l’humanité, un seul être humain dont nous sachions tout comme nous savons tout de Jeanne d’Arc.

Voilà donc que le cortège se rassemble autour de sa mémoire. Mais où va-t-il ?…

Vers Rome. Jeanne d’Arc lui avait elle-même indiqué ce but. A diverses reprises, au cours du procès de condamnation, elle avait fait appel au pape. C’était là qu’elle cherchait, non seulement sa réhabilitation qui est un fait de justice, mais sa justification qui est un fait de conscience.

L’Eglise romaine est la plus ancienne et la plus vénérable des institutions existantes sur la terre. Elle est catholique, c’est-à-dire universelle. Dans le monde entier ses fidèles sont répandus et écoutent sa voix. — A quel tribunal donc une âme catholique, les consciences catholiques, la conscience universelle s’adresseraient-elles quand il s’agit d’obtenir, non plus seulement la justification, mais la sanctification ?

Car c’est un nouveau pas à franchir. Il ne s’agit pas