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grand repos les troupes débarquées à Saint-Pol sur la grand’route d’Arras à hauteur d’Aubigny.

Il était exactement dix heures. Penchés l’un près de l’autre sur la carte, le général de Maud’huy et le lieutenant-colonel des Vallières étudiaient l’abandon d’Arras et le repli de l’armée, lorsqu’une auto s’arrêta devant la porte de la petite maison d’Aubigny et le général Foch pénétra « en coup de vent » dans notre salle. Il s’arrêta net au seuil, jeta un coup d’œil rapide sur la scène, remarqua l’angoisse qui couvrait les visages, et comprit tout…

Alors il tendit ses bras ouverts au général de Maud’huy et lui dit d’une voix vibrante :

— Maud’huy, je vous embrasse pour tout ce que vous avez fait, et pour tout ce que vous ferez ; vous entendez bien ! pour tout ce que vous ferez !…

Puis, se retournant vers nous, il ajouta avec un geste particulier :

— F…ez le camp.

Nous ne nous le fîmes pas répéter deux fois et nous passâmes dans la pièce à côté, le laissant seul avec le général de Maud’huy et le lieutenant-colonel des Vallières.

Il était inutile d’écouter pour savoir ce qui se passait. À certains moments, des éclats de voix ébranlaient la maison.

— Je ne veux rien entendre ! Vous comprenez ! Je ne veux rien entendre ! Je suis sourd !… Je ne connais que trois manières de combattre… Attaquer !… Résister !… F… le camp… Je vous interdis la dernière… Choisissez entre les deux premières !…

Puis la voix s’adoucit. Des mots encore venaient jusqu’à nous :

— Tout le 21e corps… Manœuvrer ?… Tenir ?… Partir ?… L’avez-vous fait ?… Des échelons ! Il faut trouver une ligne de résistance.

La conférence durait ainsi depuis une demi-heure environ lorsqu’à dix heures 30 arrivèrent coup sur coup un officier du général d’Urbal disant que le renseignement de dix heures concernant la colonne ennemie de toutes armes en marche de Souchez sur Ablain était probablement « exagéré ; » et un officier aviateur rendant compte que contrairement à ce qu’on craignait « il n’y avait que peu de choses à notre gauche… » Ouf !

Et à onze heures, pendant que je prenais au téléphone un