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Alors, la nuit étant tombée, nous rentrâmes à Saint-Pol. Des munitions furent envoyées au 10e corps et aux autres corps de l’armée. L’attaque du 21e corps, encore presque entièrement disponible et relativement frais, devait pouvoir le lendemain nous rendre au Nord de la Scarpe le succès que nous avions manqué le 2 octobre au Sud de cette rivière. Mais pour cela il importait au plus haut point que la 13e division que commandait le général Baquet débouchât sans retard de La Bassée sur Lens et opérât énergiquement sur la région de Vimy.

Hélas ! de nouveaux retards, encore incompréhensibles, de nouvelles erreurs de direction et d’exécution qui m’échappent également, allaient se produire pour la deuxième fois et transformer en un second « coup nul » l’attaque du célèbre corps des Vosges appuyé par presque toute la cavalerie française…

Et pourtant, en rentrant le soir, dans la petite rue tranquille de Saint-Pol, je persistais à trouver « la situation plutôt favorable… » Il me semblait que le cauchemar du matin était passé comme un mauvais rêve qui n’aurait en rien correspondu à la réalité. Il me semblait surtout que nous n’avions subi que le fâcheux effet de quelque drogue notre : la drogue des comptes rendus pessimistes et des renseignements erronés…

Le vent d’automne soufflait de l’Ouest, chassant loin de Saint-Pol le bruit du canon. On aurait cru qu’un apaisement momentané s’était fait là-bas, et qu’autour d’Arras, les deux armées adverses épuisées étaient tombées endormies l’une devant l’autre…


VI. — LA BATAILLE DU 6 OCTOBRE

Le réveil ne tarda pas !

A 4 heures 30, je fus appelé auprès du général de Maud’huy qui venait de s’apercevoir que l’officier de liaison des deux corps de cavalerie réunis sous le commandement du général Conneau était reparti dans la nuit en oubliant d’emporter les ordres pour la journée du 6 et les instructions personnelles du général de Maud’huy. Je fus chargé de réparer en toute hâte cet oubli, qui pouvait être lourd de conséquences, et de dire au général Conneau que le général de Maud’huy demandait aujourd’hui à « la cavalerie française d’attaquer à fond pour chercher à obtenir une victoire décisive. »