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santé. J’en trouve la preuve dans cette lettre adressée par Guizot à Amédée Thierry où le nouveau député de Lisieux fournit en même temps de curieuses précisions sur la situation politique et ses vues particulières à la veille des événements de juillet :


Nîmes, 14 juillet 1830.

« Je vous écris du Languedoc, mon cher Amédée, au milieu de notre bataille électorale. J’ai quitté Paris, trois jours après que M. de Magnoncourt m’eut remis votre lettre ; et depuis lors, je suis incessamment en courses, visites, réunions diverses, etc. Tout cela a abouti hier a une victoire dans notre collège d’arrondissement, et aboutira, je l’espère, mardi prochain à une double victoire dans notre collège de département. ! Je regrette beaucoup que M. Bourgon ne nous soit pas revenu par le vôtre. C’était un très bon député. Voilà quinze ans que nous travaillons à en faire de tels : c’est grand dommage de perdre ceux qui sont tout faits. Du reste, nous n’avons pas le droit de nous plaindre ; notre triomphe est suffisant. La France a fait son devoir, maintenant il faut tirer de là son succès. C’est difficile ; cependant j’espère que nous échapperons encore aux coups d’État. Je le désire beaucoup. Il faut en venir le plus tard possible aux épreuves définitives. Le temps travaille pour nous ; à mesure qu’il passe, notre fortune monte. Quand je me rappelle ce que nous étions il y a douze ans !…

« Je suis charmé que l’Académie ait fait du bien à votre frère ; je l’espérais un peu. Qu’il passe encore l’hiver à Carqueiranne ; évidemment il s’en est bien trouvé. Je lui ai envoyé le vieux poème de Walther et Hittgund, à la cour d’Attila ; il veut en tirer un article pour la Revue Française. Je désire fort qu’il le fasse et tous ceux qu’il voudra. A présent que vous êtes de loisir, vous devriez bien nous aider aussi un peu pour la Revue. Elle s’établit et devient vraiment utile.

« Ne m’en veuillez jamais, je vous prie, si ma correspondance n’est pas très exacte. Vous avez vu que j’étais plus soigneux des alfaires que des lettres. Quand vous avez besoin de moi, n’hésitez pas ; il n’est pas sûr que je vous réponde sur le champ, mais je ferai toujours ce qui sera en mon pouvoir. J’aime mieux employer mon temps au fond de l’étoffe qu’à l’étalage. Tenez-moi un peu au courant de vos projets.

« Adieu, mon cher Ami, tout est bien chez moi, j’en ai des