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devriez conserver et entretenir pieusement comme un des plus éloquents témoignages de votre passé, — étudiez cette église et vous y découvrirez un des prototypes probables des grandes mosquées de l’Islam occidental, entre autres de la mosquée de Cordoue. Devant la basilique de Tébessa, vous retrouverez en effet la cour dallée, rafraîchie par des bassins et des jets d’eau, entourée de portiques et sans doute plantée d’arbres fruitiers, qui est devenue plus tard, dans l’Afrique et l’Espagne musulmanes, le traditionnel « patio des orangers, » partie intégrante des vieilles constructions mauresques. Et, comme à la mosquée d’El Ahzar, au Caire, vous verrez, attenant à la basilique de Tébessa, toute une suite de bâtiments sans doute destinés aux prêtres, aux catéchistes, aux étudiants en théologie, peut-être des chambrettes pour les écoliers pauvres. À côté de cela, des écuries pour les montures des pèlerins et des ordinaires voyageurs. Pénétrez maintenant dans le sanctuaire proprement dit, voici, dès le seuil, la vasque des ablutions qui figure encore aujourd’hui à l’entrée de toutes vos mosquées, puis la chaire de l’évêque qui est devenue le mimbar, et, au fond de l’abside, le siège épiscopal, dans sa niche tournée vers l’Orient, qui est devenue le mihrab. Enfin, tout autour de la basilique, le foisonnement des petites chapelles, des memoriæ, contenant les reliques ou le corps tout entier d’un martyr ou d’un saint personnage, — et c’est ce que vous appelez communément un marabout. Ainsi les organes essentiels de la mosquée ne font que reproduire les organes essentiels de la basilique chrétienne.


La conclusion de tout cela, c’est que, d’un bout à l’autre de la Méditerranée, il n’y a pas de pays où la vie antique, la vie helléno-latine, se soit conservée plus intacte et, si j’ose le dire, plus vivante que dans notre Afrique. Ce qui fait le charme non pareil de vos ruines romaines ou puniques, c’est qu’elles s’accordent encore avec l’essentiel de vos mœurs, restées à peu près les mêmes qu’aux temps où vos ancêtres et les nôtres bâtissaient les temples, les thermes et les arcs de triomphe de vos villes. Les Grecs d’aujourd’hui, dans le costume étriqué imposé par nos modes actuelles, sont des étrangers sur l’Acropole d’Athènes, devant le sanctuaire de leur Déesse protectrice. Un Africain d’aujourd’hui, drapé dans la laine blanche de son